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nement. Il résulte du discours royal que les difficultés avec Rome ne sont point aplanies, et que le gouvernement est dans l’intention de présenter une loi interprétative des dispositions constitutionnelles qui garantissent la liberté religieuse et assurent une égale protection à tous les cultes, en stipulant néanmoins la surveillance de l’état. C’est cette surveillance qu’il s’agit d’organiser, et, à vrai dire, c’est là l’unique affaire de la session qui vient de s’ouvrir à La Haye.

Peu de jours sont encore écoulés depuis l’ouverture de cette session, et les chambres hollandaises ont eu à peine le temps de préparer et de discuter la réponse au discours royal. Dans ces discussions, du reste, il faut le remarquer, il s’est manifesté un esprit réel de conciliation et de modération bien éloigné des tendances complètement réactionnaires qu’on redoutait. Les adresses présentées au roi par les deux corps des états-généraux se ressemblent en cela : elles sont une offre de concours au gouvernement dans les circonstances actuelles, en vue de la loi annoncée ; mais elles mettent au-dessus de tout le principe de la liberté, de la tolérance religieuse, si profondément enraciné en Hollande. Elles sont même empreintes d’une certaine réserve au sujet des causes de la récente agitation religieuse, qu’elles s’abstiennent de caractériser et de juger, et c’est sur ce point principalement qu’ont roulé les discussions de l’adresse. C’est ainsi que, dans la première chambre, M. Van Dam van Isselt avait proposé un amendement tendant à exprimer une sorte de ressentiment contre l’organisation catholique, contre l’allocution papale surtout. Cet amendement a été repoussé à une quasi-unanimité. Dans la seconde chambre, M. Van der Bruggem s’est fait l’organe des mêmes griefs et des mêmes plaintes ; il n’a point réussi davantage à faire modifier le sens général de l’adresse. Maintenant quelle sera la loi que le cabinet hollandais médite pour organiser la surveillance de l’étal sur les diverses communions ? D’un côté, l’égalité de protection pour tous les cultes est garantie par la constitution, la liberté religieuse est un droit ; de l’autre, il n’est point douteux que cette liberté ne saurait être absolue, que l’état a le droit de veiller au respect des lois du pays. Ce sont deux principes également sacrés. S’il n’est pas toujours facile de les faire vivre en bon accord, de les empêcher de se heurter, il n’est point certainement impossible d’arriver à une transaction convenable, qui ne blesse en rien les droits de la conscience religieuse. À mesure que s’apaise l’émotion récemment soulevée en Hollande, peut-être cette œuvre devient-elle plus facile au gouvernement et aux chambres. Ce n’est point lorsque l’irritation s’en va, lorsqu’on revient à une plus exacte appréciation des choses, qu’il serait sage d’imprimer à une loi un caractère de réaction, et telle n’est point, à ce qu’il semble, l’intention du cabinet hollandais. Comme nous le disions, le ministère de La Haye ne parait vouloir s’éloigner en rien de la constitution, il veut seulement la pratiquer dans un sens plus conservateur. Si l’on considérait bien, peut-être trouverait-on que le véritable résultat de la crise récente de la Hollande a été encore plus politique que religieux ; il a consisté à ramener au pouvoir des hommes plus conservateurs que ne l’étaient les précédens ministres. L’essentiel est aujourd’hui que ce déplacement d’influence ne tourne point contre le principe souverain de la liberté religieuse. Au milieu de ces diversions politiques, les esprits s’étaient quelque peu détournés des progrès industriels et commerciaux ; l’attention publique y re-