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distinctif de son talent. Ce qui le recommande avant tout, c’est l’élégance de la composition. Depuis la Vierge de Dresde, si habilement gravée par Müller, jusqu’à la Vierge à la Chaise, qu’on admire au palais Pitti ; depuis la Vierge de Foligno, qui se voit au Vatican, jusqu’à la grande Sainte Famille que nous possédons au Louvre, achetée par François Ier deux ans avant la mort de l’auteur, toutes les œuvres de Raphaël sont avant tout des œuvres gracieuses.

Titien marque dans l’histoire de la peinture un pas nouveau. Moins préoccupé de la science que Léonard et Michel-Ange, quoiqu’il soit loin d’être ignorant, il s’attache surtout à la couleur. L’Assomption de la Vierge et la Présentation au Temple, placées aujourd’hui à l’Académie de Venise, sont des sujets d’étude inépuisables. Les trois maîtres qui ont précédé Titien n’avaient jamais rencontré, peut-être même jamais cherché, une telle splendeur de coloris. Il y a dans ces deux compositions un charme divin qui ne tient pas à la forme des personnages, mais bien à l’éclat lumineux dont le peintre a su les revêtir. C’est dans la peinture un accent nouveau, une note nouvelle que personne ne connaissait. Les apôtres qui regardent la Vierge ravie au ciel par les anges nous éblouissent par la splendeur de leur visage. Les anges qui ravissent la Vierge sont la lumière même. Dans la Présentation au Temple, nous retrouvons les mêmes qualités tempérées par la nature du sujet. Tous les personnages sont éclairés d’une lumière abondante que Michel-Ange, Léonard et Raphaël n’ont jamais trouvée au bout de leur pinceau.

Corrège, dans la coupole de Parme, a fait un pas de plus ; il a montré la forme dans l’ombre que Michel-Ange, Léonard, Raphaël et Titien n’avaient pas devinée, ou du moins qu’ils n’avaient montrée que d’une manière passagère. Dans l’accomplissement de cette tâche difficile, il a révélé une habileté que personne ne songe à contester. Au point de vue de la science, je suis loin de le mettre sur la même ligne que Michel-Ange et Léonard ; mais sous le rapport du charme et de l’expression, je n’hésite point à le placer au même rang, ce qui n’est point un mince éloge. Au lieu de s’attacher à nous offrir la forme du corps en pleine lumière, Antonio Allegri a tenté surtout d’exprimer ce que Milton appelle, dans le Paradis perdu, les ténèbres visibles, c’est-à-dire qu’il s’est efforcé de peindre les corps dans la pénombre, en ménageant si habilement la dégradation des teintes, que l’œil découvre la forme malgré la pénurie de la lumière.

Ici, on le sent bien, en parlant des cinq maîtres italiens, je ne m’attache pas à la chronologie rigoureuse, je m’attache uniquement aux accens nouveaux introduits dans la peinture, par le chef de l’école florentine, le chef de l’école milanaise, le chef de l’école romaine, le chef de l’école vénitienne et le chef de l’école de Parme. La diversité