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tristes extrémités. Au mois d’avril de l’année suivante (1535), vingt-six hommes avaient succombé. Cartier, contraint d’abandonner un de ses navires au Canada, fit voile pour la France aux premiers jours du printemps.

La guerre s’était allumée de nouveau entre François Ier et Charles-Quint, et pour la seconde fois on oublia des explorations qui avaient livré à la France une vaste étendue de territoire propre à la colonisation. Il en fut ainsi jusqu’en 1763 en ce qui touche le Canada. Chaque fois que la France se trouva engagée dans les grandes guerres qui éclataient en Europe, le contre-coup s’en fit sentir en Amérique d’une façon désastreuse. L’insuccès de ces tentatives avait refroidi les esprits. Le Canada, disait-on, était un pays insalubre, couvert de neige pendant six mois, dans lequel on ne trouvait ni or ni argent. Cependant François Ier ne renonçait pas facilement à ses desseins : sa vie entière en fournit la preuve. En 1540, François de La Roque, seigneur de Roberval, gentilhomme picard, obtint le gouvernement des contrées déjà découvertes ; Cartier fut choisi pour commander l’escadre et y transporter des colons. Malheureusement ils durent interrompre leur tâche, à peine commencée. Trois ans après leur départ, le roi faisait revenir en France le gouverneur Roberval et ses compagnons ; il voulait utiliser la valeur de ce gentilhomme et son influence sur les populations de la Picardie, qui allait devenir le théâtre des hostilités.

À la paix (1545), Roberval, qui s’était illustré sur les champs de bataille pendant ces deux années de séjour en Europe, organisa une nouvelle expédition. Il prit avec lui son frère, que le roi François Ier appelait volontiers le gendarme d’Hannibal, comme il surnomma François de Roberval lui-même le petit roi de Vimeux {son pays natal). Les deux Roberval partirent en 1549, la troisième année du règne d’Henri II ; ils périrent avec tous leurs compagnons sans qu’on ait jamais entendu parler d’eux. Pour la quatrième fois, on oublia le Canada et toute l’Amérique. Douze ans plus tard, l’amiral Coligny obtint de la cour la permission d’établir des huguenots à la Caroline. La petite colonie existait depuis trois ans déjà lorsque Philippe II, sous prétexte que ce territoire relevait de sa couronne, la fit attaquer par une flotte de six vaisseaux aux ordres de don Pedro Menendez. Surpris dans leur fort, les Français furent massacrés froidement par les Espagnols avec leurs femmes et leurs enfans ; ceux qui échappèrent, ayant été faits prisonniers presque aussitôt, furent fusillés et pendus, sous prétexte qu’ils étaient hérétiques et ennemis de Dieu. Catherine de Médicis n’avait point paru ressentir cet affront, mais la nation tout entière aspirait à la vengeance. Un gentilhomme gascon, Dominique de Gourgues, bon catholique, se chargea de châtier les Espagnols. Il avait de la rancune contre eux. Fait prisonnier par les troupes de