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La question des frontières entre les colonies anglaises et françaises n’était point encore résolue. L’ambassadeur anglais à Paris se plaignait des empiètemens des Français ; la France, de son côté, se plaignait de la conduite des Anglais sur l’Océan, où ils agissaient en maîtres. Le point que se disputaient avec le plus d’acharnement les deux nations était la vallée de l’Ohio, pays plus fertile, plus agréable à habiter que les bords des grands lacs et les froides régions du nord-ouest. Les forts élevés par les Canadiens depuis le lac Erié jusqu’auprès de l’Ohio inquiétaient les colons de la Virginie. Enfin les Français en bâtirent un dernier, qu’ils nommèrent fort Duquesne, sur les bords mêmes de la rivière. Un corps de troupes anglaises ne tarda pas à marcher contre eux. Avec leur seule mousqueterie, les Canadiens firent taire neuf pièces de canon qui garnissaient les retranchemens anglais, et l’ennemi sortit si précipitamment, après avoir capitulé, qu’il oublia derrière lui un drapeau. L’officier qui commandait les troupes anglaises, c’était le colonel Washington ! Cette affaire, dans laquelle éclata la valeur des Canadiens, conduits par M. de Villiers, eut lieu en 1742 ; elle fut le premier acte du grand drame de trente ans qui coûta à la France tant de braves soldats et de si fortes possessions, et qui fit perdre à sa rivale ses propres colonies. Avec la guerre de sept ans, les hostilités recommencèrent en Amérique. Le Canada, épuisé par tant de combats, n’avait plus d’autres ressources que le zèle et l’ardeur de ses habitans. On se battait de part et d’autre avec acharnement ; il arriva même une fois encore que les bandes canadiennes, pour se venger de l’envahissement de l’Acadie et des terres adjacentes, défirent les Anglais, et semèrent sur le pays ennemi avec des bordes d’Indiens, ravageant tout, faisant trembler jusque dans les villes ceux qui la veille les croyaient vaincues et domptées.

En 1756, Montcalm arriva au Canada avec des renforts, qui se composaient de 1,000 soldats et 400 recrues. En y joignant les troupes venues de France l’année précédente et celles de la colonie, l’armée régulière s’élevait à 4,000 hommes ; avec les miliciens et les sauvages, elle formait en tout 12,000 combattans. Les colonies anglaises venaient de mettre sur pied 25,000 hommes, miliciens et soldats. Au début de la campagne, la victoire se déclara pour les Français ; pendant deux années, les Canadiens se donnèrent le plaisir de raser les forts construits par les Anglais. Malheureusement ils eurent la douleur de voir, sans être capables de les en empêcher, leurs sauvages alliés massacrer les prisonniers après le combat. Les rigueurs de l’hiver n’arrêtaient point ces courses effrénées. Épouvantée de cette irruption violente, l’Angleterre porta son armée à 50,000 hommes, dont la moitié à peu près consistait en soldats réguliers, et la France abandonnait sa colonie victorieuse ! « Nous combattrons, écrivait Montcalm au ministre ; nous nous ensevelirons, s’il le faut, sous les