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scientifique et littéraire à la Havane. Cependant on constate un progrès marqué dans le nombre des élèves qui suivent les écoles. Il existe à la Havane une école de mécaniques [escuela de machinas). Le gouverneur actuel, général Concha, a fait beaucoup pour cet établissement : il y a établi quinze bourses d’une once par mois (environ 80 francs) réservées aux orphelins des officiers et des familles émigrées de la terre ferme. L’école est maintenant ouverte à 240 élèves.

On doit reconnaître que beaucoup d’améliorations ont été introduites à La Havane depuis un certain nombre d’années. Le gouverneur Tacon, homme d’une volonté énergique, a rétabli la sécurité, qui était loin d’exister avant lui. Les vols et les assassinats étaient alors des événemens ordinaires. Un gouverneur auquel on se plaignait qu’un garçon de caisse eût été volé dans les rues de la capitale, se bornait à répondre : Je ne sors pas le soir ; faites comme moi. Un de ses parens ayant tué le consul de Suisse pour le voler, il fallut que les consuls de France et d’Angleterre s’unissent pour obtenir, avec de grandes difficultés, que l’assassin fût exécuté. Depuis l’administration de Tacon, il ne se passe plus rien de pareil.

La prison, qui au dehors semble un palais, n’est pas, dit-on, aussi bien tenue au dedans que les prisons des États-Unis, dont l’aspect extérieur est si triste. Il y a bon nombre d’établissemens charitables à La Havane, et entre autres une société de bienfaisance pour les Catalans. Ce que l’on paie pour obtenir un permis de voyage dans l’île est affecté à ces divers établissemens : ainsi ce serait faire une bonne action que de la parcourir dans son entier ; mais ce voyage, car c’en serait un, offrirait d’assez grandes difficultés. En certains endroits, la population est rare. On peut, dans le centre de l’île, faire trente lieues sans trouver une goutte d’eau. Je me bornerai donc à quelques excursions. L’un des points que l’on nous dit mériter le mieux d’être visité, c’est la petite ville de Matanzas et ses environs, à une trentaine de lieues de La Havane.

Avant de partir, nous avons voulu voir la villa Fernandina. Une villa tropicale est encore autre chose que les villas italiennes. C’est un jardin qui ressemble à une serre. Tous ces arbres exotiques, au feuillage étrange et gracieux, que l’on a vus ailleurs comme des raretés mises sous verre, et qu’on n’imagine guère que formant des forêts impénétrables, sont là plantés en allées ou groupés en bosquets. Un tel jardin a tout le charme de l’invraisemblable, il semble qu’on se promène dans un rêve.

L’île de Cuba a environ cent cinquante lieues de longueur, on la compare à une langue d’oiseau. Dans son premier voyage, Colomb, n’étant pas arrivé jusqu’à l’extrémité de l’île, la prit pour un continent et crut qu’il avait vu la côte orientale de l’Asie. Il fit même signer à l’équipage et au pilote une déclaration constatant que cette terre