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cipes les plus larges et les plus libéraux, et qu’il a fait de nos affaires les siennes propres. Son influence et son crédit, qui sont grands, ont été entièrement employés à servir nos intérêts, et j’espère que les résultats égaleront ses vœux. »


Beaumarchais s’attendait naturellement à recevoir au plus vite du congrès beaucoup de remerciemens et beaucoup de tabac de Virginie et de Maryland : il ne reçut pas même de réponse à ses lettres. Ces retours, qui, d’après les promesses formelles de Silas Deane, devaient arriver en six mois, n’arrivèrent point. Beaumarchais envoya encore deux navires et deux cargaisons : pas de nouvelles du congrès. Silas Deane confus ne savait comment expliquer ce silence. Tous deux avaient compté sans Arthur Lee, qui venait d’être adjoint, ainsi que Franklin, à la députation américaine en France. Franklin était arrivé à Paris en décembre 1776 ; Arthur Lee arriva à la fin du même mois. Sa première lettre confidentielle au comité secret du congrès, en date du 3 janvier 1777, le caractérise très bien : « Les politiques de cette cour, écrit-il, sont dans une sorte d’hésitation tremblante (in a kind of trembling hesitation). » On ne se douterait pas pourquoi.


« C’est parce que, ajoute Lee, les promesses qui me furent faites par l’agent français à Londres, et que je vous communiquai par M. Story, n’ont pas été entièrement remplies. Le changement du mode de transmission de ce qu’on avait promis a été combiné avec M. Deane, qu’Hortalez ou Beaumarchais a trouvé ici à son retour de Londres, et avec lequel tous les arrangemens ont été faits. »


Dans une autre lettre confidentielle, Lee a l’audace d’écrire :


« M. de Vergennes, le ministre, et son secrétaire nous ont assuré à plusieurs reprises (have repeatedly assured us) qu’aucun retour n’était attendu pour les cargaisons envoyées par Beaumarchais. Ce gentleman n’est pas un négociant ; il est connu pour être un agent politique employé par la cour de France. »


Les documens que nous avons cités, la déclaration très nette de M. de Vergennes que nous citerons en son lieu, ainsi que les lettres de Beaumarchais au ministre, nous autorisent à affirmer que cette assertion d’Arthur Lee était un insigne mensonge. Il paraît éprouver lui-même une certaine gêne de ce mensonge, car, dans une lettre qui suit celle que nous venons de citer, il écrit : « Le ministère nous a souvent donné à entendre (has often given us to understand) que nous n’avions rien à payer pour les cargaisons fournies par Beaumarchais ; cependant ce dernier, avec la persévérance des aventuriers de son espèce, persiste dans ses demandes. »

Il est inutile de faire remarquer que les lettres de ce genre sont