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Les Polynésiens ne composent donc qu’un seul peuple à mes yeux. À peu d’exceptions prés, les mêmes destinées les attendent, et la transformation qu’ils subissent, — aux îles Sandwich sous la direction des missionnaires américains, à Taïti sous l’influence de la domination française, — mérite d’autant plus d’être étudiée, qu’il s’agit sans aucun doute de fixer, dans un avenir peu éloigné, la condition future de cette intéressante portion de l’humanité.

Il faut distinguer deux sortes d’îles dans la Polynésie : les unes, comme l’écume d’une fournaise ardente, ont jailli du fond de l’océan, pour élever jusqu’aux deux leurs sommets sillonnés par la lave ; les autres, couronnées par les travaux des madrépores, ont à peine dépassé le niveau de la mer. Les vents et les oiseaux y ont apporté quelques graines, les flots ont jeté sur leurs rives quelques noix de cocos, et sur ce récif, dont la végétation avait fait une île, la vague est venue plus tard déposer des habitans. Ces îles basses sont de véritables camps de pêcheurs. Leur territoire n’offre aucune prise à la culture. Ce n’est point à cette formation incomplète qu’appartiennent les îles Sandwich. L’archipel découvert par Cook en 1778 n’a rien de commun avec la longue chaîne des Pomotou ni avec les îles à demi submergées du groupe des Carolines. Les îles Sandwich, au nombre de dix, peuvent être comparées aux Açores ou aux Canaries. Situées par 20 degrés environ de latitude nord, elles se trouvent sur le passage des navires que les vents alisés conduisent des ports de la Californie aux côtes méridionales du Céleste Empire. Les quatre îles les plus importantes de ce groupe ont reçu de leurs premiers habitans les noms d’Hawaii, de Mawi, de Wahou et de Taouaï. Hawaii est la plus grande de ces quatre îles ; mais Wahou, qui possède un excellent port, est devenu le centre commercial de l’archipel. Les baleiniers viennent s’y ravitailler avant de pénétrer dans la mer d’Ochotzk ou dans le détroit de Behring, et la ville d’Honoloulou, qui leur doit sa prospérité, est aujourd’hui la première ville de la Polynésie. Bien que la superficie totale des îles Sandwich soit peu inférieure à celle de la Sicile ou de la Sardaigne, la population de cet archipel ne paraît guère dépasser cent ou cent vingt mille âmes. Sur un territoire sept fois moindre, l’île Majorque, dans la Méditerranée, offre deux fois plus d’habitans. C’est qu’aux Sandwich les naturels ne se sont pas encore éloignés des bords de la mer. L’intérieur des îles est presque entièrement inculte et dépeuplé. Comme dans toutes les contrées d’origine volcanique, le sol des Sandwich est profondément découpé. Des cratères éteints ou prêts à vomir sur la plaine leur feu qui sommeille, des vallées encaissées entre deux murailles de lave, de hautes chaînes de montagnes brusquement interrompues par des précipices, tel est l’aspect général de ces îles, où l’on