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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 juillet 1853.

Voici près de quatre mois déjà que, jetés dans toutes les complications de cette malheureuse affaire d’Orient, les gouvernemens et les peuples en sont périodiquement à consulter les signes et à se demander où ils vont. Un jour, ce sont les influences pacifiques qui semblent triompher ; un autre jour, c’est une conflagration qui parait imminente ; d’heure en heure, on s’avance sur un terrain qui devient de plus en plus étroit ; les questions ne font que s’aggraver, les rapports entre les gouvernemens s’aigrissent, les intérêts s’inquiètent, les susceptibilités s’irritent, et on en arrive à cette situation qui a été résumée dans un mot d’un air presque paradoxal et qui n’est que juste : — C’est que la guerre semble inévitable et qu’elle est impossible ; dernier mot des situations inextricables d’où chacun sent qu’il faut sortir au plus vite et dont personne n’entrevoit l’issue ! Combinez ces deux choses contradictoires : telle est encore en définitive l’expression la plus exacte de la phase nouvelle où est entrée la question oriental. On se trouve en présence de l’inévitable et de l’impossible. Réunissez toutes les causes qui peuvent rendre un conflit probable et le précipiter même ; aussitôt la conscience publique s’élèvera comme un obstacle souverain, pour réclamer une solution conforme aux besoins actuels du monde, au mouvement des intérêts, à la sécurité universelle. Enumérez toutes les raisons favorables à la paix ; aussitôt vous vous heurterez aux deux mobiles les plus dangereux, parce qu’ils sont les plus difficiles à vaincre, — l’ambition exaltée d’un peuple, l’amour-propre engagé d’un gouvernement. On peut voir aujourd’hui, et ce n’est point la première fois au sujet des affaires orientales, quelle différence il y a outre la politique théorique, qui procède souvent de l’imagination ou de l’ambition, et la politique pratique. Que de théories n’a-t-on point faites sur l’Orient, sur la dissolution de l’empire turc et sur sa reconstruction ! Que de combinaisons chimériques n’a-t-on point essayées ! Que de transformations nouvelles n’a-t-on point ima-