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Cependant les whigs, qui formaient le parti prépondérant, et dans les cas extrêmes toute la majorité, subissaient la loi commune aux partis de gouvernement ; ils s’étaient usés au pouvoir. Chaque dissolution avait éclairci leurs rangs dans le parlement. Attaqués à des titres divers, jugés ici trop maniables, là trop indociles, peu agréables au roi, si ce n’est dans la personne de quelques chefs, compromis dans l’opinion pour avoir toléré ou exploité les abus inévitables, ils voyaient baisser leur force et leur crédit, le gouvernement leur tombait des mains, et ils n’entraient au parlement qu’en nombre presque égal à celui des tories, quand Henry Saint-John fut élu membre de la chambre des communes.


IV

Le cabinet formé cinq ou six ans auparavant s’était peu à peu décomposé. Quoique les ministères de Guillaume III aient été en général des coalitions, quoiqu’il se soit presque toujours efforcé d’y réunir en de certaines proportions les deux partis qui l’avaient appelé au trône, cependant la nécessité des affaires l’avait, en 1694, forcé à donner aux whigs une domination à peu près exclusive. Parmi les tories modérés auxquels il pouvait sans trop de défiance laisser une grande part dans le gouvernement, le comte de Nottingham l’avait quitté le dernier ; homme versatile, mais attaché à la succession protestante et qui ne la trahit jamais. Sunderland, que ses variations profondément calculées avaient enfin amené au cœur du parti whig ; Shrewsbury, qui n’était lié au parti que par ses actions ; Godolphin, serviteur capable et fidèle de toute politique régnante, pourvu qu’elle fût raisonnable ; enfin Somers, Montague, Russell, dont les noms parlent d’eux-mêmes, étaient restés au pouvoir. C’est sous leurs yeux que s’était faite la paix de Ryswick ; ils en avaient l’honneur et la responsabilité. Ce traité, qui sans être glorieux avait au moins l’avantage de faire reconnaître au plus auguste représentant de la monarchie héréditaire et absolue une royauté fondée par une révolution, et qui amenait Louis XIV à s’entendre avec Guillaume III pour disposer de la monarchie espagnole, devait être le terme du pouvoir de ceux qui l’avaient signé. À peine avait-il été conclu qu’une grande question s’était élevée, celle des armées permanentes. Le fait l’a décidée sur le continent, et il faudra que de gré ou de force la liberté politique, si elle s’y naturalise jamais, s’accommode de cette solution ; mais on peut douter qu’elle se fût établie et consolidée en Angleterre, si au XVIIe siècle l’existence continue des troupes soldées n’y eut été considérée comme une exception, et si par exemple sous les Stuarts la force habituelle de l’armée se fût élevée à plus de sept