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douteuse était mise en oubli. Le roi écrivait, le 16 novembre 1700, au grand pensionnaire Heinsius : « Le testament du roi d’Espagne n’a pas été plus tôt connu, que l’opinion a prévalu généralement qu’il valait mieux pour l’Angleterre voir la France accepter le testament qu’exécuter le traité de partage… Ces sentimens sont contraires aux miens, car je suis parfaitement convaincu que s’il en arrive ainsi, l’Angleterre et la république sont dans le dernier danger d’être ruinées et perdues. Je veux espérer que la république le comprend ainsi et déploiera toute sa force pour empêcher un si grand mal. C’est une extrême mortification pour moi, dans cette importante affaire, de ne pouvoir agir avec toute la vigueur qu’elle réclame et donner le bon exemple ; mais il faut que la république le fasse… » Il essaya, quant à lui, de gagner du temps ; mais la Hollande elle-même ayant consenti à reconnaître Philippe V, sauf à prendre ses sûretés, Guillaume, contraint par l’opinion et par son conseil, adopta non sans regret la même résolution (avril 1701) ; cependant il ne la publia pas en Angleterre, comptant bien que les événemens lui permettraient de retirer une concession qui coûtait à son orgueil et à sa prévoyance. Ainsi le traité de partage, dont lui seul peut-être dans son royaume avait senti toute la nécessité, proclamée plus tard par Bolingbroke lui-même, était de fait abandonné.

Il avait été négocié sous le dernier ministère ; la nouvelle chambre ne l’avait jamais approuvé. Par cette convention, la France, l’Angleterre et la Hollande, disposant sans le concours de l’empereur, avaient attribué l’Espagne à l’archiduc Charles, son second fils, les Deux-Siciles au dauphin, et distribué le reste à titre de compensations, suivant les intérêts des puissances contractantes. Mal reçu dans tous les pays qu’il concernait, ce traité, négocié par le comte de ; Portland sous la direction du roi, avait été seulement communiqué à quelques-uns des ministres. Les droits soit du conseil de cabinet, soit du conseil privé, étaient encore imparfaitement réglés ; il n’y avait même pas d’usage constant. Un certain nombre de personnages importans dans l’état, dans le palais, dans les chambres, avaient le titre de membres du conseil privé. Dans certaines occasions, la couronne en convoquait à son choix quelques-uns et les réunissait aux ministres ; et c’était là le conseil privé en exercice, le seul conseil exécutif dont l’existence fût et soit encore légale. Les actes du souverain, obligatoires pour les sujets, doivent être ainsi rendus par lui en conseil privé. Quant au conseil de cabinet ou des ministres, jusqu’ici même aucune loi ne l’a constitué ou reconnu. La nécessité des affaires a peu à peu amené les choses dans l’état que nous voyons. Le chancelier, le président du conseil, trois secrétaires d’état, les chefs de la trésorerie et un certain nombre de fonctionnaires, tous désignés officiellement