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n’alla pas jusqu’à la seconde lecture. Ce résultat, précédé de vives discussions, en provoqua de plus violentes encore. Les évêques s’étaient toujours en majorité prononcés pour la tolérance, leur primat, l’archevêque de Canterbury, leur donnant l’exemple. Burnet, évêque de Salisbury, le célèbre auteur de l’Histoire de mon Temps, avait prononcé un discours qui lui fait grand honneur. Pour répondre aux attaques dont il était l’objet, il le publia, et les attaques redoublèrent. Du côté de la persécution, le défenseur accoutumé de la haute église, Charles Leslie, qui refusait le serment contre les Stuarts, se signala par ses publications, et du côté de la tolérance, un jeune ministre commença par une apologie des évêques la réputation qui devait recommander le nom de Hoadley à tous les amis d’un christianisme libéral. « Jamais je n’ai vu ni lu d’exemple d’une si grande et si ardente explosion d’esprit de parti, écrivait le docteur Swift, qui se trouvait alors à Londres (16 décembre 1703). C’était si général que j’ai trouvé les chiens des rues plus querelleurs et plus insolens qu’à l’ordinaire, et la veille au soir du jour où le bill a été discuté, un comité de chats whigs et tories a eu un chaud et bruyant débat sur le toit de notre maison. Mais comment s’en étonner, quand les dames mêmes sont divisées en haute et basse église, et par zèle pour la religion ont à peine le temps de dire leurs prières ? » L’échec qu’éprouva l’église fut imputé par son parti au ministère. On l’accusa de maladresse ou de froideur ; on regretta hautement lord Rochester. La majorité des communes devint plus défiante et plus irritable. La chambre des lords, à qui un complot jacobite en Écosse venait d’être dénoncé, avait nommé un comité d’information. Aussitôt l’autre chambre l’accusa d’empiéter sur l’autorité royale, sans s’apercevoir qu’en chicanant sur des questions de forme elle s’exposait au reproche d’indifférence sur le fond, et semblait préférer la prérogative du trône à sa sûreté. La monarchie en effet fut toujours plus chère aux tories que le monarque. La reine aimait leur zèle ; mais elle commençait à trouver qu’il ne s’adressait pas assez à sa personne, et les communes, qui lui plaisaient par leurs principes, la contrariaient par leur exigence. La chambre des pairs, qui ne pensait pas comme elle, lui donnait moins d’embarras : celle-ci soutenait le gouvernement sans s’y fier, le suppléait quelquefois, et le pouvoir, s’appuyant sur elle sans le déclarer, cherchait son indépendance dans la lutte des deux chambres. Nous avons vu en France, sous la restauration, le ministère opposer par instans l’expérience de la chambre des pairs à l’ardeur loyaliste de celle des députés. Nous l’avons vu quelquefois se servir de l’opposition en la désavouant, pour se défendre de la domination exclusive de son propre parti. Le ministère de la reine Anne tenait une conduite analogue, et alors il