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les serviteurs les plus éprouvés du Christ. Arrivé à l’aisance par son industrie, Josiah Franklin envoya James, l’aîné de ses fils, faire dans la mère-patrie l’apprentissage du métier d’imprimeur. James revint d’Angleterre en 1717 avec une presse, des caractères et un matériel complet, et s’établit à Boston. Il eut pour premier apprenti son frère cadet, alors dans sa treizième année, enfant studieux, d’un esprit vif et pénétrant, que l’on avait destiné au métier de coutelier, et qui obtint, à force d’instances, d’être employé dans l’imprimerie de son frère. Les loisirs involontaires de James Franklin furent plus d’une fois consacrés à publier des ballades ou des complaintes sur les événemens du jour, premiers essais de cet enfant qui débutait par des chansons, et qui devait finir par être le représentant glorieux et l’un des législateurs de son pays. À la fin de 1720, James Franklin fut chargé d’imprimer les premiers numéros de la Gazette de Boston, mais ce travail lui fut ôté presque aussitôt pour être donné à Thomas Green. Le ressentiment de ce procédé fut sans doute au nombre des causes qui suggérèrent au jeune imprimeur, homme d’esprit, mais emporté, opiniâtre et vindicatif, l’idée de publier un journal pour son propre compte.

Les encouragemens ne durent pas lui manquer au sein de sa propre famille, Josiah Franklin avait été rejoint en Amérique par son frère Benjamin. Celui-ci s’était toute sa vie occupé de politique plus qu’il ne convenait peut-être à un homme de sa condition et plus qu’il n’avait été avantageux à ses intérêts. Il avait employé une partie de son avoir à faire collection de tous les pamphlets et de toutes les brochures relatives aux affaires d’Angleterre qui avaient paru de 1641 à 1717. Il avait en outre pris des notes étendues sur les évènemens de chaque jour, grâce à un système de sténographie dont il était l’inventeur. Enfin il avait, à ses loisirs, composé plusieurs ouvrages de piété destinés à ne jamais voir le jour. L’oncle Benjamin était l’oracle de la famille ; c’était lui qui s’était chargé en quelque sorte de l’éducation du plus jeune des fils de Josiah, de son filleul Benjamin. Il avait enseigné à celui-ci son système de sténographie, et il récompensait l’aptitude et l’assiduité de son élève en lui racontant une foule d’anecdotes sur les hommes et les choses du temps. Très pieux, mais un peu porté à la controverse, il développait chez son neveu le goût de la discussion et la subtilité naturelle à un esprit pénétrant. Un tel homme ne devait pas s’effrayer d’un journal. En outre, plusieurs des gens les plus considérés de la ville se réunissaient fréquemment chez les Franklin ; les uns étaient attirés par l’esprit de Benjamin, les autres estimaient dans Josiah le gendre de Pierre Folger, l’homme d’un sens droit et juste, toujours de bon conseil. Dans ces assemblées, on causait des événemens et des préoccupations du jour : on devait aisément en écrire. Sept mois après la publication de la Gazette de Boston, le 17 juillet 1721, on vit paraître le premier numéro du Courrier de la Nouvelle-Angleterre [New-England Courant). Dès le premier jour, le nouveau journal différa sensiblement de ses deux devanciers. Ceux-ci ne contenaient que des nouvelles locales, des extraits des lettres d’outre-mer, les prix des marchés et quelques annonces, jamais aucun article de fond. Le Courrier au contraire fut presque exclusivement composé d’articles originaux, de courtes dissertations de morale ou de littérature. L’Angleterre avait vu fleurir, de 1709 à 1718, le Babillard,