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conjointement par Thomas Green et Samuel Kneeland pendant près de vingt-cinq ans. L’un des premiers numéros de ce journal mentionne aux nouvelles locales la mort, à l’âge de 77 ans, de l’oncle de Franklin, Benjamin Franklin, « chrétien rare et exemplaire. » L’apparition du New-England Journal coïncide avec la naissance du grand mouvement religieux dont les prédicateurs méthodistes Edwards et Whitefield furent les principaux propagateurs, et qui arriva à son apogée en 1740. Ce fut comme une recrudescence et comme un rajeunissement du puritanisme : on faillit voir renaître les passions religieuses, la rigueur ascétique et l’austère discipline des anciens jours. Le New-England Journal fut l’organe de ce mouvement extraordinaire ; c’est dire assez que la controverse religieuse et la théologie y tinrent une grande place. « Notre but, disent les éditeurs dans le premier numéro, est de mettre sous les yeux du public tous les renseignement édifians que nous pourrons recueillir. » En conséquence, ils publiaient de nombreux extraits des ouvrages de piété, et surtout des livres qui pouvaient jeter quelque lumière sur l’état du protestantisme dans le monde, sur ses progrès ou ses souffrances. Du reste, le New-England Journal était assez bien fait ; si l’élément religieux y prédominait, les nouvelles étrangères et les nouvelles locales n’en étaient pas moins recueillies et classées avec soin. C’est le premier journal américain qui se soit astreint à enregistrer régulièrement les décès et les naissances, pour permettre aux statisticiens de suivre les mouvemens de la population. À l’imitation du Courrier, il publiait de temps en temps des essais philosophiques ou littéraires. La tradition rapporte cette part de la rédaction du journal à un prédicateur alors en vogue, le docteur Byles, et à Matthew Adams, ce protecteur bienveillant qui avait mis sa bibliothèque à la disposition de Franklin tout enfant, et à qui celui-ci a consacré dans ses mémoires quelques lignes reconnaissantes. D’après tout ce qui précède, on voit que la politique ne tenait qu’une place secondaire dans le New-England Journal, qui ressemblait, plus exactement encore que le Courrier, au Spectateur et aux autres journaux didactiques de l’Angleterre.

On en peut dire autant du Weekly Rehearsal, dont le premier numéro parut le 27 septembre 1731 ; Ce journal fui fondé et rédigé presque en entier par un homme qui jouait un rôle considérable dans la Nouvelle-Angleterre, par Jérémy Gridley, jurisconsulte profond et bon écrivain, d’opinions libérales, mais très royalistes, et qui eut cette singulière fortune d’instruire et de former pour le barreau plusieurs des promoteurs de l’indépendance américaine. Procureur-général du Massachusetts, député à la législature, colonel de la milice, président de la société maritime, grand-maître des francs-maçons, Jérémy Gridley ne put longtemps cumuler tant de fonctions avec la rédaction d’un journal. Il se défit du Weekly Rehearsal, au bout d’un an, en le cédant à son imprimeur, Thomas Fleet. Celui-ci était un radical anglais qui s’était fait plus d’une affaire à Londres pour ses opinions démocratiques et son hostilité contre le haut clergé. En butte à des poursuites pour quelques propos malsonnans tenus à l’occasion d’une procession tory, il émigra en Amérique et s’établit à Boston, où ses descendans existent encore. Fleet avait vu à l’œuvre la presse anglaise ; aussi, dès qu’il eut acquis le Rehearsal, il s’empressa de transformer complètement ce journal. Il changea son nom contre celui d’Evening