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Le 30 janvier de l’année suivante, Mayhew prit à son tour pour sujet d’un sermon la légitimité de la mort de Charles Stuart : avec une amertume de langage digne des anciens indépendans, il soutint que ce prétendu martyr avait été un tyran, et qu’il avait mérité son sort par ses attentats contre la liberté civile et contre la vérité religieuse, et il qualifia de résistance légitime et glorieuse la conduite du parlement régicide. Ce discours produisit une immense sensation qui eut son contre-coup jusqu’en Angleterre ; mais les plus avancés des dissidens l’envisagèrent eux-mêmes comme une hardiesse inutile et comme une imprudence. L’Independent Advertiser, au contraire, reproduisit ce sermon et le combla d’éloges : il tint la même conduite à propos de plusieurs des discours de Mayhew, et notamment d’un sermon prêché en 1754 à l’occasion d’une élection générale. Dans ce sermon, Mayhew, en feignant de combattre encore la monarchie absolue, et sans diriger d’attaque directe ni même de blâme contre une monarchie limitée, fit l’apologie du gouvernement républicain, qu’il présenta comme fondé sur la volonté et par l’autorité du peuple, et comme le seul gouvernement qui tende uniquement au bien-être et à la prospérité des nations.

Cette année 1754 vit la mort de l’Independent Advertiser. Le gouverneur avait obtenu la majorité dans la législature ; il fit adopter un bill qui établissait certains droits de douanes. Ce vote fut amèrement blâmé par le journal, qui publia, sous le titre de Monstre des Monstres, une violente diatribe contre la législature. L’imprimeur du journal, Daniel Fowle, fut immédiatement arrêté, et, comme il se refusa à faire connaître l’auteur de l’article, il fut mis en jugement et condamné à un an d’emprisonnement. Cette mésaventure le dégoûta momentanément du métier : en 1756, Daniel Fowle quitta Boston, et se transporta à Portsmouth, où il établit la première presse qui ait fonctionné dans le New-Hampshire, et où il fit paraître, à partir du 7 octobre 1756, la Gazette de New-Hampshire, qu’il dirigea jusqu’à sa mort, arrivée en 1787, et qui existait encore, il y a quelques années, entre les mains de ses successeurs.

La place laissée vacante par l’Indépendant Advertiser fut immédiatement remplie. Les imprimeurs Edes et Gill firent paraître en avril 1755 la Gazette de Boston, qu’Edes publia sans interruption jusqu’en 1798. Samuel Adams, éclairé par l’expérience et mûri par l’âge, en fut le principal rédacteur. La Gazette de Boston prit la même vignette, et la même devise que l’Independent Advertiser ; mais elle ne commit aucune des imprudences gratuites qui avaient perdu ce journal : elle fut le défenseur non-seulement le plus ferme, mais aussi le plus habile des droits des colonies. Aussi devint-elle à la fois le point de ralliement des whigs contre les gouverneurs Barnard et Hutchinson, et du clergé dissident contre l’anglicanisme. Les ministres Mayhew et Cooper, étroitement unis avec tous les chefs des whigs, développaient en chaire les principes que leurs amis soutenaient dans la Gazette, et le journal combattit avec eux, de 1760 à 1764, le projet attribué à la métropole de vouloir établir dans la Nouvelle-Angleterre des évêques et toute la hiérarchie anglicane. La passion politique et la passion religieuse amenèrent ainsi, chacune à son tour, des auxiliaires à Samuel Adams, et groupèrent peu à peu autour de la Gazette, avec Mayhew et Cooper, le bouillant James Otis, devenu cher à tout