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et de mollesse ; on l’accusait de vouloir, tout en servant les colonies, sauver sa place de directeur des postes de Pennsylvanie et la place de son fils, gouverneur de la province de New-Jersey. Bientôt la Gazette elle-même parut trop pâle à une portion du parti whig, et en 1769 le Massachusetts Spy fut fondé.

Ce journal représente le côté exagéré et violent de la révolution américaine. Les rédacteurs de la Gazette de Boston, malgré l’ardeur de leur polémique, n’arrivèrent que graduellement et assez tard à désirer l’indépendance de leur pays. Ils s’efforcèrent aussi longtemps que possible de prévenir toute agression matérielle et de renfermer la résistance dans les limites de la stricte légalité. Favorables en principe au régime républicain, ils eussent accepté la suprématie nominale de la monarchie anglaise, si elle avait respecté leur liberté religieuse et leurs franchises locales ; ils se gardaient surtout d’attaquer les conditions essentielles du gouvernement, et tous, à l’exception de Samuel Adams, devaient plus tard se rallier franchement à la constitution fédérale. Un tout autre esprit animait les jeunes gens inexpérimentés et les théoriciens aventureux qui rédigeaient le Massachusetts Spy. Dès 1771, ce journal, sous la signature Mutins Scévola, proclamait la déchéance de toutes les autorités, qualifiait le gouverneur Hutchinson d’intrus et d’usurpateur, et sommait l’assemblée de prendre en main l’administration de la province. Le Massachusetts Spy ne se contenta point de pousser de toutes ses forces à une rupture violente, de conseiller sans cesse le recours aux armes, et d’attaquer avec passion tous les hommes qui parlaient de conciliation, il se fit en outre l’écho de toutes les idées émises par la philosophie du XVIIIe siècle sur les droits de l’homme, sur l’organisation du pouvoir et sur l’égalité universelle. Au nom de la liberté individuelle, ses rédacteurs eussent anéanti toute autorité et jusqu’à l’empire de la loi. La guerre, en tournant vers les opérations militaires l’attention de tous les esprits, enleva aux prédications du Massachusetts Spy tout le danger qu’elles pouvaient avoir. Au début des hostilités, on fut contraint de transporter ce journal dans la petite ville de Worcester, et à la paix, il s’y éteignit obscurément, après avoir essayé de se transformer en une revue. Une pérégrination semblable fut imposée par les succès des Anglais à un autre journal, à la Gazette d’Essex, fondée en 1768 à Salem par l’imprimeur Hall, transportée en 1775 à Cambridge sous le nom de New England Chronicle, et transférée à Boston en 1785. Ce journal mérite une mention, parce que sa collection offre peut-être le récit le meilleur et le plus complet de la guerre de l’indépendance ; elle est extrêmement précieuse à consulter pour l’exactitude des faits et des dates, et pour une multitude de détails qui ne se trouvent point ailleurs. Nommons ici, par la même occasion, un autre journal que la querelle avec l’Angleterre fit naître dans une petite ville du Massachusetts, la Gazette créée à Newburyport par Thomas et Tinges.

On voit avec quelle rapidité croissait le nombre des journaux d’opposition ; le gouvernement anglais ne manquait point cependant de défenseurs, même dans le Massachusetts. John Mein, imprimeur et libraire à Boston, s’associa avec un autre imprimeur de la ville, John Fleming, pour publier le Boston Chronicle, dont le premier numéro parut en décembre 1767. Pour la grandeur du format, pour la beauté du papier, pour l’exécution typographique,