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tous les tenanciers dont le bail ne monte pas à 5,000 fr. sont exceptés, et l’intérêt de la dette hypothécaire est défalqué du revenu imposable. Aussi cette innovation a-t-elle plus agité le parlement que l’Irlande ; en réalité, cela n’a été que la substitution d’un impôt de quotité là où existait le système de la répartition pour le paiement d’une dette de valeur égale, et une charge plus considérable imposée aux riches afin de dégrever les pauvres. Toutefois il eût été de meilleure politique de se montrer généreux plutôt qu’équitable à la suite des ravages de la famine et de remettre les Consolidated annuities sans exiger de compensation. Si un ministre aussi libéral et aussi éclairé que M. Gladstone n’a pas agi ainsi, c’est que l’extension de l’income tax à l’Irlande a été la séduction offerte à l’Angleterre pour obtenir la prolongation générale de l’impôt pendant sept ans.

La répartition de l’impôt entre les deux îles est pour les Irlandais un thème d’incessantes récriminations. Les patriotes irlandais, considérant que les intérêts politiques et coloniaux de la Grande-Bretagne doivent être indifférens à l’Irlande, prétendent que les dépenses coloniales et maritimes, les arrérages de la plus grande partie de la dette, doivent être payés exclusivement par l’Angleterre. Posée dans ces termes, la discussion financière devient une querelle de nationalité. Rien cependant n’est plus simple en soi que la question de la distribution de l’impôt entre les deux îles. En Angleterre et en Irlande, presque tous les impôts destinés à subvenir aux dépenses de l’état sont des impôts indirects, et en matière de taxe indirecte il est certain qu’on paie en proportion de la consommation. Ces taxes peuvent peser inégalement sur différentes classes dans un même pays ; elles ne peuvent pas être réparties inégalement entre deux pays. Il y a plus, l’Irlande est exemptée de plusieurs des taxes indirectes qui se paient en Angleterre ; mais d’un autre côté elle a à subvenir aux frais de deux cultes différens, elle paie l’un volontairement, et l’autre contrainte par la loi. Le somptueux établissement du clergé anglican est un luxe que se donne l’Angleterre protestante aux dépens de l’Irlande catholique. On peut dire encore que si, par sa nature, la taxe des pauvres est une taxe essentiellement locale, des situations par trop chargées devraient cependant appeler le secours de la communauté tout entière, et puisqu’une portion des frais généraux d’établissement pour les poor houses est supportée en Angleterre par l’état, il serait juste que le même secours et quelques autres soulagemens fussent accordés à l’Irlande, comme l’a parfaitement démontré M. Scully dans une des dernières séances du parlement. En somme, l’Irlande, sous le rapport financier, n’est pas traitée cruellement par l’Angleterre, mais elle a grand’peine à supporter l’égalité ; elle a besoin, pour pouvoir se relever, d’être ménagée.

Sans doute, des critiques peuvent être adressées au principe et à