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il multiplie les spectacles merveilleux, il réduit les élémens à l’état d’esclaves obéissans. Ne découvrait-on pas récemment encore le moyen de labourer, de bêcher la terre à la vapeur ? La civilisation fait de l’homme le roi de la création. Voici pourtant qu’un jour ce triste roi, qui a des chemins de fer, des télégraphes électriques, est exposé à la famine au milieu de ces spectacles grandioses, pour peu que l’inclémence de l’air frappe accidentellement une moisson de stérilité ! L’homme découvrira, s’il faut, le moyen de faire son pain à la vapeur ; il n’y a que ce petit grain, premier élément de sa nourriture, qu’il ne peut faire. Quoi qu’il en soit, s’il n’y avait point à craindre une famine réelle en France, c’était du moins une disette ou une insuffisance de récolte, à laquelle on a fort heureusement échappé ; mais ne reste-t-il point aujourd’hui au gouvernement à rechercher comment il pourrait prévenir ces crises de subsistances par quelque réforme de notre législation sur les céréales ? On sait quel est le régime auquel est soumis le commerce des grains : c’est celui d’une échelle mobile, d’après laquelle les droits d’importation et d’exportation s’élèvent ou s’abaissent suivant l’élévation ou l’abaissement des prix sur le marché national. Ce mécanisme ingénieux est-il toujours efficace ? offre-t-il toujours une sécurité complète au commerce ? C’est là une question. Le remède est bien simple, disent les économistes : c’est la liberté entière du commerce. Oui, mais alors c’est l’agriculture nationale qui souffrira ; on aura déplacé le mal sans le guérir, et ce seront les propriétaires, les agriculteurs qui seront quelque peu réduits à la famine. La meilleure économie politique, il nous semble, est celle qui, sans esprit de système, chercherait à concilier ces divers intérêts, celui de la production nationale et celui de l’alimentation publique.

Les problèmes d’économie politique ne sont pas les seuls qui préoccupent de notre temps. Tous les problèmes d’économie sociale ont été l’objet des plus savantes études et souvent des plus attentifs, des plus intelligens essais d’application. On sait notamment combien tout ce qui touche aux réformes pénitentiaires a produit de recherches et d’expériences. Peut-être même est-on arrivé parfois à des raffinemens philanthropiques qui éloignaient du but des lois pénales. Récemment encore il s’élevait une savante discussion sur la déportation au sein de l’Académie des Sciences morales, où figurait lord Brougham comme témoin des résultats du régime appliqué par l’Angleterre à ses condamnés. Nous n’avons pas le dessein d’entrer dans ce débat, qui embrasse, à vrai dire, toutes les conditions du système pénal. En général, de nos jours, il est une idée dont on se préoccupe singulièrement au sujet des hommes que la loi a frappés, c’est l’idée de leur réhabilitation. Nous ne savons jusqu’à quel point cette réhabilitation est possible, et si elle n’est pas toujours un fait exceptionnel lorsqu’il s’agit de condamnés arrivés à l’âge où le crime laisse des traces profondes ; mais une des dispositions les plus salutaires et les plus généreuses de la législation pénitentiaire à coup sûr est celle qui réalise cette pensée à l’égard des jeunes condamnés. C’est un devoir pour la société de chercher quelque remède à cette triste précocité du crime ou du vice, d’enlever ces âmes qui ont à peine vécu à l’influence du mal, et de leur donner, s’il se peut, une direction meilleure. Tel est le but de la législation qui organise tout un régime spécial pour les jeunes détenus en les