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de Somerset lui succéda comme maîtresse de la garde-robe (groom o the stole), et la garde de la cassette privée fut confiée à la fidèle Abigaïl.

Docile aux passions de son parti, Saint-John mit sous les yeux de la chambre l’état des affaires d’Espagne et les mesures ordonnées par la reine pour y relever l’honneur de ses armes. Après une campagne assez brillante, Stanhope avait été surpris par Vendôme à Brihuega et forcé de capituler avec son corps d’armée. La victoire de Villaviciosa, remportée deux jours après sur les troupes impériales, était venue réveiller le souvenir de la bataille d’Almanza, gagnée sur lord Galway par le maréchal de Berwick. Galway ou plutôt le comte de Ruvigny, Français réfugié, et Stanhope étaient whigs. On eut l’idée de s’enquérir du système de guerre suivi en Espagne ; on trouva qu’il avait été prescrit ou accepté par le dernier ministère, et comme il n’avait pas réussi, le parlement décida, contre l’autorité de Marlborough, que ce système était mauvais, remercia publiquement le comte de Peterborough, qui l’avait combattu, et blâma lord Galway, qui l’avait proposé, lord Sunderland, qui l’avait approuvé.

La réaction marchait à grands pas sous les auspices d’un parti vindicatif. Déjà le ministère ne la contentait plus, Harley surtout était accusé de faiblesse ou d’arrière-pensée. Dans la majorité parlementaire, ces propriétaires de campagne, squires, hobereaux, gentillâtres, qui ont de l’indépendance et de la probité, mais nul discernement, nulle modération, et qui, s’ils tiennent aux conditions de la tranquillité publique, comprennent peu celles de la grandeur de l’état, toléraient impatiemment les ménagemens du cabinet pour lord Marlborough. Celui-ci, dont la souplesse égalait l’orgueil, renouvelait ses professions de désintéressement, désavouant tout, consentant à tout, fatiguant les whigs par son impartialité affectée, et parmi ses ennemis désarmant les sages, tandis qu’il enhardissait les violens. La reine avait grande envie d’être avec les derniers. Quand il lui disait qu’il était sans ambition, elle regrettait, disait-elle, de ne pouvoir le mettre à la porte en lui riant au nez. Les réunions parlementaires songeaient à chercher dans la gestion du général quelque motif d’accusation, mais les ministres, peu sûrs encore de la paix, ne croyaient prudent ni pour l’Angleterre ni pour eux de disgracier un chef toujours victorieux. Un gouvernement sensé ne se sépare pas volontiers d’une pareille gloire. On craignait au contraire que Marlborough dégoûté ne quittât son commandement, et Saint-John, qui avait avec lui de bons rapports, cherchait dans de secrets pourparlers les moyens de le séparer des whigs. Swift lui-même, si prompt à ressentir toutes les animosités de parti, ne croyait pas le moment venu d’éclater contre Marlborough. Dans l’Examiner, dont