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Il céda, mais, à l’en croire, il y avait là quelque opération illicite dans laquelle on a prétendu que mistress Masham était intéressée. L’expédition avait été concertée avec elle et conseillée à la reine par Saint-John, pour donner un commandement au brigadier Hill, frère de la favorite. Le secrétaire d’état s’était occupé avec un zèle tout particulier de ce projet, qu’il regardait comme son œuvre et qui eut l’issue la plus malheureuse (octobre 1711). Le revers fut très sensible au cabinet dont c’était la première entreprise, et qui, affrontant les reproches qu’il adressait aux précédens ministres, l’avait ordonnée, sans l’aveu du parlement. Saint-John, d’abord très mortifié, s’en consola dans l’intérêt de la paix. Quant à la spéculation qui lui est reprochée, on n’en sait rien que l’affirmation d’Oxford, qui impute au chancelier Harcourt d’avoir dit qu’un gouvernement ne vaudrait pas la peine d’être servi, s’il ne permettait de tels profits à ses serviteurs.

Comme Saint-John ne négligeait aucun moyen de se créer une clientèle propre et même un parti, il forma vers ce temps un club choisi, qui, sous l’apparence d’une réunion inspirée par le goût de l’esprit et des lettres, pouvait devenir une coterie dévouée. Les clubs étaient déjà fort à la mode. Le Beefsteak-Club, qui existe encore, avait été fondé en l’honneur du vin et de la bonne chère. Kit-cat-Club, quoiqu’il portât le nom d’un pâtissier célèbre par ses pâtés de mouton, était devenu, depuis 1699 que lord Somers l’avait fondé avec Prior et Congrève, une association politique animée de l’esprit des whigs. Le club du Cellier [theCellar) appartenait à la même opinion. Bolingbroke se moque quelque part des beaux esprits du Kit-cat et des sages du Cellar. On parlait avec scandale d’une société mystérieuse qui, sous le nom odieusement équivoque de Club de la tête de veau (Calve’s head Club), passait pour célébrer d’une manière peu monarchique le jour de la décapitation de Charles Ier. Enfin un véritable club politique, ou plutôt une réunion parlementaire où siégeait un tiers de la chambre des communes, s’était formé sous le nom de Club d’octobre, pour représenter et soutenir les principes les plus purs de la haute église. Dans cette société d’ultra-tories, qui se réunissait à la taverne de la Cloche, près de Westminster, abondaient ces squires si souvent décrits dans les romans anglais, ces gentilshommes de campagne [country gentlemen), grands amateurs de la bière nouvelle brassée en octobre, défenseurs de l’intérêt territorial, des doctrines de loyauté et presque d’absolutisme, sectateurs intolérans de l’orthodoxie anglicane. Là le ministère trouvait un appui, un aiguillon, un embarras. La prudence de lord Oxford y était souvent taxée de lâcheté ou de perfidie, et Saint-John, accueilli comme un jeune homme qui n’aurait demandé qu’à bien faire, allait