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se faisaient à Bruxelles, le prince Frédéric, second fils du roi, avait établi son quartier général à Vilvorde, à quelques lieues de la ville. Des troupes s’y rassemblaient de toutes parts, et leur présence répandait l’inquiétude et la défiance. Le roi s’était pourtant décidé à écarter M. Van Maanen, quoiqu’on put supposer qu’il cédait à la contrainte bien plus encore que quand il avait refusé cette satisfaction aux commissaires belges ; mais M. Van Maanen se retirait comblé de dignités et d’honneurs, et on lui donnait un successeur si peu sérieux, qu’il pouvait être considéré comme prêt à reparaître à tout instant. Son renvoi n’était donc qu’une satisfaction incomplète et équivoque, et dans les révolutions concéder à demi est plus dangereux que de ne rien concéder. En même temps, la session extraordinaire des états-généraux s’était ouverte par un discours où les évènemens de Bruxelles étaient flétris dans des termes qui ravivaient les blessures. Les députés belges s’étaient rendus à La Haye. Bien que leur vie n’y fût pas en sûreté, ils s’étaient fait un point d’honneur de ne pas se refuser à cette dernière épreuve, et ils donnèrent même leurs voix à l’adresse des états, qui, selon l’usage, n’était que la paraphrase du discours royal ; mais les colères que ce discours avait soulevées à Bruxelles les y rappelèrent bientôt.

Les projets de violence reprirent alors le dessus. À La Haye et dans toute la Hollande, les passions populaires débordaient contre la Belgique, et elles Nattaient trop les sentimens personnels du roi pour qu’il y résistât. Il fut décidé que Bruxelles serait reprise par la force des armes. Cette résolution fut arrêtée, au dire de M. Van der Duyn, en l’absence du prince Frédéric, qui était à la fois ministre de la guerre et de la marine, sans que les directeurs généraux de ces deux services fussent, entendus, ni aucun militaire consulté, et par conséquent dans l’ignorance des ressources disponibles. Le choix du général auquel serait confié le commandement des troupes fut mis en délibération dans le conseil des ministres. Tous déclarèrent que dans cette lutte contre le peuple un prince de la famille royale ne pouvait être exposé, soit à un échec, soit à une victoire qui pouvait coûter beaucoup de sang. On proposa le général Chassé. « Son grand âge, dit le roi, ne lui permet pas de monter à cheval ; » puis, sans tenir aucun compte des objections de ses ministres, il ajouta : « Ce sera Fritz (Frédéric). »

Nous ne dirons rien de cette lutte désespérée, qui, comme chacun le sait, se prolongea pendant plusieurs jours, et se termina par la défaite et l’éloignement des troupes hollandaises ; elle rendit définitive la rupture des Belges avec la maison de Nassau. Pour exciter le courage du peuple, pour dissiper ses défiances, au milieu du combat, on s’était solennellement engagé envers lui à ne jamais traiter avec