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est parvenu à faire pousser sur un sol ingrat quelques oliviers ou mûriers, quelques ceps de vigne, quelques fleurs dont un soleil ardent a bientôt desséché la tige. Disposés en amphithéâtre au-dessus de la ville, les mazets prêtent un aspect animé à des lieux naturellement nus et tristes. Une fois arrivés, les hommes prennent quelque soin de leur jardin ; puis on s’assied, on se couche sous l’ombre rare de grêles arbustes, ou bien on va sur la route la plus voisine jouer à un jeu qui est une véritable passion dans ce pays, le jeu de boules. On vous dit avec fierté qu’il faut venir à Nîmes, venir sur les Garrigues, pour rencontrer les premiers joueurs de boules du monde entier. Il y a là des renommées dont l’horizon est borné sans doute, dont le souvenir doit vite s’effacer, mais qui n’en flattent pas moins l’orgueil de ceux qui les possèdent. Les femmes s’occupent pendant ce temps de soins intérieurs dans la petite maison où la famille doit dîner ; puis, quand s’élève la brise rafraîchissante du soir, on redescend vers la ville en chantant. Rien, au premier coup d’œil, ne révèle le charme de ces excursions sur des collines brûlantes ; bientôt pourtant on s’aperçoit que dans ces asiles solitaires les ouvriers se sentent plus chez eux qu’à la ville, qu’ils s’y épanouissent avec plus de liberté. Durant la semaine, le mazet est une espérance pour les familles qui l’aperçoivent de loin sur le coteau, et le dimanche venu, il leur offre un moyen de diversion à la vie quotidienne. N’est-ce rien, en effet, que de savoir où diriger ses pas ? Si les Garrigues manquent de frais ombrages, on y jouit d’une belle perspective : on a la ville à ses pieds, et les regards peuvent se promener au loin sur le tapis verdoyant des plaines du Vistre.

Des distractions d’un genre différent exercent encore un puissant empire sur la population nîmoise, je veux parler de ces spectacles à ciel ouvert qui se donnent dans les arènes des Antonins, et qui se composent de luttes d’hommes ou de courses de taureaux. L’antique amphithéâtre où se rassemble la foule prête une incroyable grandeur à des scènes assez vulgaires. Un autre goût plus calme, celui du chant, n’est pas ici moins général ; il est favorisé par des dispositions naturelles très communes dans ces contrées, où s’annonce déjà l’Italie. Les ouvriers nîmois, qui aiment à former des chœurs, ont eu de tout temps des sociétés chantantes. Toutes les chansons familial la population laborieuse sont composées dans ce patois languedocien dont les dialectes, quoique émanés d’une même source primitive, sont extrêmement nombreux et varient d’une ville à l’autre. À Nîmes, par exemple, le patois a le caractère, les désinences, les articles et les diminutifs de la langue italienne, tandis qu’à Montpellier, dans le département voisin, il penche vers l’espagnol. Une grande partie des chansons nîmoises ont été composées par des ouvriers ; celles même