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parmi ceux des campagnes, ces tendances vers les exploitations collectives appelées sociétés d’ouvriers ou sociétés de patrons et d’ouvriers qu’ont poursuivies peut-être trop d’anathèmes à la suite de trop d’éloges. L’individualisme, qui forme le fond du caractère local, se révèle au contraire constamment dans les institutions de la cité nîmoise. En séparant la ville en deux camps, les luttes religieuses ont accoutumé chaque homme à ne connaître d’autre signe de ralliement que le drapeau de son culte.

La tradition favorisait trop ce penchant des âmes pour que des efforts soutenus se produisissent en vue de combattre ce qu’il avait d’excessif et de périlleux. Vous trouvez à Nîmes, bien que portant toujours le cachet de la différence des cultes, les maisons habituelles de secours et de refuge. On y a fondé en outre plusieurs établissemens destinés à la population catholique, et où des sœurs de diverses corporations religieuses se livrent aux soins des malades ou à l’éducation des orphelines pauvres avec un infatigable dévouement. Citons une création singulière qui avait devancé de plusieurs siècles notre loi sur l’assistance judiciaire : on l’appelle l’avocaierie des pauvres. En l’année 1482, un habitant de Nîmes légua ses biens pour assurer la défense gratuite des pauvres devant tous les tribunaux de la ville. Était-ce là l’expression réfléchie d’un sentiment de justice sociale ? On doit y voir plutôt, ce me semble, la conception d’une imagination méridionale, comme il s’en produit de temps en temps des exemples de l’autre côté des Alpes. En fait, l’avocaterie des pauvres n’aboutit guère qu’à des consultations gratuites en matière de procédure.

L’instruction populaire est dotée par la cité nîmoise d’une subvention d’à peu près 43,000 fr., répartie entre les écoles gratuites des deux cultes. Les classes catholiques sont tenues par les frères de la doctrine chrétienne, qui possèdent dans la ville quatre maisons recevant 1,600 élèves. Exclusivement fréquentées par les jeunes garçons protestans, les écoles d’enseignement mutuel en renferment 700. Les classes gratuites pour les filles comptent une population totale de 2,300 élèves. La direction des établissemens catholiques est confiée à la vigilante sollicitude de la congrégation de Saints-Vincent de Paul ou de celle de Saint-Maur. Dans un pays où les préoccupations religieuses exercent tant d’empire, l’instruction populaire devait, plus qu’en tout autre lieu, revenir exclusivement à des corps religieux, qui portent d’ailleurs dans l’accomplissement de cette mission sociale de si remarquables qualités. Quelques institutions sont alimentées à la fois par des libéralités privées et par des subventions municipales. Il n’existe de classes d’adultes que pour les catholiques ; et comme ceux-ci composent la masse de la population, c’est parmi eux seulement