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pose en successeur de son père vivant n’est plus une satisfaction suffisante. Grande leçon pour ces politiques superbes qui repoussent toute concession comme un pas vers les révolutions, qui mettent leur orgueil à braver l’opinion, et qui trop souvent, comme le roi Guillaume, tout en pliant eux-mêmes sous la nécessité, ne savent pas s’y résoudre à propos ! Il était donc trop tard. En Belgique, la proclamation fut accueillie avec dérision ; en Hollande, elle souleva l’indignation. Un journal enjoignit au roi de changer l’ordre de succession au trône, en raison de l’indignité encourue par le prince d’Orange. La session ordinaire des états-généraux, auxquels les députés belges n’assistaient point cette fois, s’ouvrit le 18 octobre. Faisant allusion à l’incartade du prince, le roi se bornait à dire : « La nouvelle inattendue que je reçois aujourd’hui même d’Anvers est une nouvelle preuve du progrès quotidien de la séparation réelle des deux divisions du royaume. » Ce langage équivoque et obscur, dont l’indifférence laissait soupçonner une connivence du père avec le fils, ne fit qu’irriter les défiances à La Haye et à Bruxelles. Guillaume ne put s’en tenir à cette étrange réserve. Les deux ministres qui accompagnaient le prince à Anvers l’avaient quitté brusquement, considérant leur mission comme terminée. Le roi fut obligé de se prononcer ; il suspendit les pouvoirs du gouverneur des provinces méridionales, et défendit aux généraux d’en recevoir aucun ordre. « Vraiment, écrit M. Van der Duyn, la position du prince est non-seulement fâcheuse, mais devient aussi ridicule. » Abandonné par l’armée, désavoué par son père, repoussé par les Belges, il n’était pas même en sûreté à Anvers. Il s’en éloigna en laissant pour adieux une nouvelle proclamation qui tendait à réserver les chances de l’avenir ; mais on doutait qu’il pût affronter les mécontentemens de la Hollande. La princesse d’Orange, demeurée à La Haye, fit appeler le grand chambellan de la cour et M. Van der Duyn. » Conversation singulière, écrit M. Van der Duyn, plus qu’intéressante, quoique j’aie été singulièrement touché de ce qu’elle a dit de la position triste et embarrassante où elle se trouvait entre ses parens et son mari, tellement la pauvre femme avait le cœur gros et éprouvait le besoin de s’ouvrir à des personnes qu’elle considérait, nous dit-elle, comme particulièrement dévouées au roi et devant jouir de sa confiance. Le résultat comme le but de cette conversation singulière était des plaintes modérées sur les mesures du roi à l’égard de son fils et la justification de ce dernier, avec le désir que ce que l’on nous avait dit fût rapporté au roi, ce dernier point plus directement adressé à mon compagnon d’infortune, dirai-je, car je n’ai pas besoin de vous dire que tout cela était assez embarrassant pour lui surtout ; aussi avait-il une drôle de mine