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M. de Capellen se trouva à Bade avec le comte de Nesselrode, qui, la veille de son départ, l’entretint longuement des affaires de la Hollande : « Nous ne ferons certainement pas, lui disait-il, la guerre pour les intérêts de la Hollande ; si nous avions voulu la faire, il y a longtemps que nous l’aurions entreprise. En attendant, le roi des Pays-Bas, en tergiversant plus longtemps, tient toute l’Europe en haleine ; cet état de choses ne peut pas durer. » M. de Capellen, quoiqu’il fût, au fond, du même avis, s’attacha, comme Hollandais, à défendre la conduite tenue par le roi. Guillaume, à qui cette conversation fut rapportée, s’écria : « M. de Capellen a très bien répondu ; mais, pour le comte de Nesselrode, il ferait mieux de se mêler de ses propres affaires que des miennes. »

La conférence de Londres était vivement contrariée des refus de Guillaume, et elle voyait avec peine les états-généraux cédant aux mêmes sentimens et encourageant la résistance du monarque. Il y avait cependant en Hollande un parti considérable, formé des personnages les plus éminens, qui comprenait tous les dangers du statu quo, et se montrait impatient d’en sortir : M. de Capellen était un des chefs de ce parti. La conférence, ne pouvant rien obtenir par les moyens ordinaires, crut pouvoir faire appel à la prudence de M. de Capellen, connue capable « d’agir, par le poids de son opinion et par le respect dû à son nom et à son caractère, sur un grand nombre de personnes influentes. » Elle lui fit communiquer officieusement en 1838 les notes adressées à Guillaume, pour qu’il connût bien l’état des négociations, et pût à la fois peser sur l’esprit du roi et sur l’opinion publique. Cette démarche insolite, et qui prouve à la fois la persistance peu éclairée du roi et l’estime dont jouissait M. de Capellen, contribua probablement à amener la conclusion qui la suivit de près.

Guillaume se rendit donc enfin, et le système de persévérance eut pour résultat l’accroissement de la dette publique et des conditions nouvelles qui modifiaient le traité des vingt-quatre articles au profit de la Belgique. La position était difficile : la Hollande avait perdu les illusions qui entretenaient depuis si longtemps sa résistance, et l’esprit public commençait à se réveiller. Ces difficultés découragèrent le vieux roi ; trente-cinq années de travaux non interrompus l’autorisaient à placer, comme on disait autrefois, un intervalle entre la vie et la mort. Il espérait d’ailleurs goûter les plaisirs de la vie domestique en s’unissant à une personne qui lui avait inspiré une passion étrange à son âge. Belge et catholique, Mme la comtesse d’Oultremont ne pouvait pas, malgré son caractère honorable, sans parler des autres obstacles, être acceptée pour reine par la Hollande. Guillaume