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confiscation, perte de titres, déchéance de la race, ou, comme on dit, corruption du sang, telles étaient les conséquences de ces sortes de lois de proscription.

Lord Oxford ne parut pas d’abord gagner beaucoup à s’être montré plus confiant dans la justice de son pays. On l’oublia deux ans à la Tour de Londres. Lui-même ne réclama pas, soit qu’il cédât à son indolence naturelle, soit qu’il comptât sur le temps pour calmer les passions, médiocrement animées contre lui. Enfin le 22 mai 1717 il adressa une pétition pour demander jugement. Le 24 juin, la chambre des pairs siégeait dans Westminster-Hall, et les débats allaient commencer sur le premier article d’accusation, quand Lord Harcourt, l’ancien chancelier, fit remarquer que la poursuite était à la fois pour haute trahison et pour de simples délits, et qu’au lieu d’examiner un à un tous les chefs d’accusation, ce qui serait infini, il vaudrait mieux vider immédiatement la question de haute trahison, puisque la condamnation sur ce point finirait tout ; en cas d’acquittement, il resterait à juger un procès plus simple qui devait faire cesser la détention préventive d’un pair du royaume. Or le crime de haute trahison ne pouvait être suffisamment prouvé. Cette motion était donc toute dans l’intérêt de l’accusé. À cette époque, Townshend et Walpole étaient sortis des affaires. Dans leur apposition nouvelle, ils se croyaient obligés de ménager les tories. Walpole, qui s’était toujours montré moins acharné contre Oxford, avait cessé de paraître au comité d’accusation. La motion de Harcourt passa malgré la résistance de Sunderland, alors chef du ministère. Cette nouvelle manière de procéder déplut à la chambre basse : elle vit dans cette prétention de régler l’ordre de l’accusation une violation de ses privilèges, et comme elle était assez refroidie sur le fond de l’affaire, elle s’échauffa sur la forme, au point de faire défaut le jour indiqué pour rouvrir le débat. La cour des pairs attendit un quart d’heure, et, ne voyant point d’accusateur paraître, elle rendit une sentence d’acquittement qui fut accueillie par les applaudissemens de la multitude. Dans un temps calme, toute absolution prononcée contre le gré du pouvoir est populaire. Oxford d’ailleurs s’était fait grand honneur par sa patience et sa modération. On ignorait que du fond de sa prison il eût écrit au prétendant pour lui offrir ses services. Lui-même peut-être n’attachait pas grande importance à cette démarche, qui rentrait dans ses habitudes de négociation universelle. Quand il fut libre, le roi lui interdit de venir à la cour ; mais il avait de nombreux amis, son commerce était plein d’agrémens : il vécut encore six ans dans une heureuse tranquillité, jouissant des plaisirs de la société et des trésors d’une magnifique bibliothèque. Elle contenait, dit-on, plus de cent mille volumes : elle fut dispersée après sa mort, mais sa précieuse collection de plus de sept mille manuscrits [Harleian