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même, d’où la première impulsion donnée aux sectes américaines était partie. Elle y a fait naître depuis douze ans un grand schisme, et nombre de pasteurs ont renoncé aux avantages d’une position dans le sein de l’église établie, afin d’être plus libres dans leur foi. La tendance des méthodistes français, suisses, etc., les pousse également à s’organiser en communautés distinctes des églises reconnues et salariées par l’état. Il y a là, en dépit de fâcheuses exagérations, le signe d’une vie religieuse qu’il faut étudier, avec attention, si l’on veut saisir dans sa vraie direction le travail de l’esprit moderne au sein du christianisme.


I

Quelques mots suffiront pour montrer comment l’histoire des Mormons et des induirions se rattache à l’histoire même du protestantisme. Dès l’origine du mouvement religieux provoqué par la réforme, on voit naître deux tendances distinctes, — la tendance rationaliste -la tendance mystique. La première, qui a commencé avec Zwingli, a été représentée par le socinianisme, puis par les unitaires de l’Angleterre et des États-Unis ; elle est venue aboutir en Allemagne au rationalisme de l’école exégétique et hégélienne. Ce protestantisme rationaliste, qui compte aussi quelques adeptes chez les calvinistes hollandais et français, est demeuré plutôt à l’état de doctrine scientifique que de religion. À certaines époques, il a fortement travaillé les esprits et joui d’une faveur assez générale, mais il n’a jamais beaucoup pénétré dans le culte. Voulant des intelligences éclairées, des personnes versées dans les connaissances historiques, il ne parle pas à l’imagination du vulgaire et n’échauffe pas l’enthousiasme ; renfermé dans le cercle des savans et des penseurs, il ne peut donc guère aspirera une grande popularité. En Angleterre, où le protestantisme rationaliste a pris une forme plus religieuse qu’ailleurs, et s’est constitué, sous le nom d’unitarisme, à l’état d’église, il ne compte pas un grand nombre d’adhérens avoués et ne fait que peu de prosélytes. C’est certainement aux États-Unis que l’unitarisme a le plus de fidèles. À Boston, ceux-ci forment la cinquième partie de la population, et ils appartiennent à la classe la plus riche et la plus éclairée. Ce sont eux qui se sobt mis à la tête de l’instruction des classes inférieures : quelques-uns de leurs ministres-, Channing, Sparks, Dewey, ont acquis une grande réputation de science et de vertu ; mais en dehors du Massachusetts on ne retrouve plus, à beaucoup près, autant d’unitaires. Les quakers unitaires, qui existent en Angleterre et aux États-Unis, ne voient pas davantage grossir leurs rangs, et parmi les nombreuses sociétés de missions évangéliques, il n’en est aucune qui appartienne à la catégorie des protestans rationalistes. Les progrès de ceux-ci sont aussi lents que ceux de l’instruction et des lumières, sur lesquels ils s’appuient exclusivement.

Il en est tout autrement du protestantisme mystique. Nous entendons par là celui qui accorde la préférence à l’inspiration et aux lumières de la grâce sur celles de la raison et de la science ; Le protestantisme mystique, ainsi défini, fait de la théologie une intuition et non une étude purement historique et philosophique. C’est cette tendance mystique, développée à des