Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/972

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— le christianisme, le mosaïsme, la religion de Noé et des patriarches. Il les faisait même précéder d’une autre, l’époque adamique ou de la religion d’Adam, différente ; selon lui, de la religion de Noé, ce qui, joint à la phase nouvelle qu’il annonçait, faisait en tout cinq époques. Les réformateurs religieux de nos jours ont beaucoup affectionné ces grandes divisions de l’histoire religieuse et morale de l’humanité. Saint-Simon et Fourier ont eu les leurs, et dans une foule d’écrits socialistes le progrès de l’humanité est ainsi classifié par colonnes synoptiques.

Svedenborg s’imaginait être en rapport journalier avec le monde invisible, le monde des anges et des esprits ; il conversait avec eux, et dans des hallucinations qui n’avaient altéré en rien son intelligence, quoiqu’elles eussent faussé ses idées, il s’imaginait voyager dans l’univers intellectuel ou supra-sensible ; il en donnait minutieusement la carte et la description. Ces hallucinations devinrent contagieuses, absolument comme les manifestations spirituelles qui font aujourd’hui tant de bruit, c’est le mot, aux États-Unis. Une nouvelle secte prit naissance, celle des nouveaux jérusalémites. Non-seulement en Suède, mais en Hollande, en Angleterre et en général dans toutes les contrées protestantes, parfois même dans certains cantons catholiques ; elle rencontra d’assez nombreux prosélytes ; elle se répandit surtout dans les villes manufacturières anglaises, dont la population ignorante était facilement séduite par les rêveries du théosophe suédois. Manchester devint le grand centre du svedenborgisme, qui se transporta ensuite en Amérique. Il n’y opéra pas de nombreuses conversions : cependant il éleva plusieurs chapelles, et y recrute encore aujourd’hui des adhérens. Si l’église de la nouvelle Jérusalem ne parvint pas directement à son but, elle fit au moins pénétrer ses principes dans une foule de têtes américaines, et donna de la sorte naissance à d’autre sectes qui avaient au fond les mêmes tendances, les mêmes idées qu’elle. Par exemple, c’est du sein des svedenborgiens que sortent en réalité les nex-lights ou nouvelles lumières, dont les croyances forment avec le protestantisme un contraste assez frappant, pour qu’on doive les regarder comme les adhérens d’une religion nouvelle. Ce fut en 1803 que la doctrine des new-lights germa dans le cerveau de cinq ministres qui avaient abandonné l’église presbytérienne, et s’étaient constitués en une congrégation distincte qu’on désigna d’abord sous le nom de Springfield-presbytery. Les événemens extraordinaires dont la révolution française avait été le commencement les avaient persuadés que la fin du monde n’était pas éloignée ; aussi prêchaient-ils l’avènement du millénium, condamnant toutes les croyances, toutes les professions de foi, tous les catéchismes, et puisant dans leurs seules inspirations les principes destinés à constituer la foi nouvelle. Toutefois ils prenaient encore la Bible pour point de départ, la Bible, il est vrai, étrangement expliquée ! La secte des spiritualistes n’a fait plus tard que donner une forme théologique à des rêveries superstitieuses dont l’influence sur la société américaine remontait à une date déjà ancienne. Ces théories sur l’existence des âmes qui reviennent faire des révélations aux vivans avaient joui toujours aux États-Unis de quelque faveur. Nous avons connu des méthodistes qui les tenaient pour avérées et respectables, sans adopter néanmoins toutes les idées du théosophe suédois. Or on sait que ce fut chez des méthodistes,