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lui est attribué pour marquer sur l’échelle du crédit l’inondation ou la sécheresse des courans qui représentent la richesse ; mais quelle nécessité de traduire, par des arrêts qui peuvent paralyser ou lancer à toute bride l’industrie et le commerce, les moindres accidens de température qui surviennent dans ce vaste milieu ?

En élevant la prime des prêts et de l’escompte, la Banque ne pourrait être déterminée que par l’un ou l’autre de ces mobiles : ou la convenance de mettre ses transactions en harmonie avec le taux courant de l’intérêt, ou le danger de voir diminuer sa réserve par l’exportation du numéraire et de rester en présence d’une circulation considérable de billets au remboursement desquels elle craindrait de ne pouvoir pas faire face dans le cas où les porteurs, pressés d’obtenir des espèces, viendraient assiéger ses guichets.

Ni l’une ni l’autre appréhension ne me parait justifiée par la gravité des circonstances. Commençons par le taux de l’intérêt, et voyons ce qu’ont fait, en vue des embarras du moment, les grands établissemens de crédit. La Banque d’Angleterre a fixé le taux de ses prête sur dépôt de valeurs ou sur effets de commerce à 5 pour 100, à peu près à la même époque sous l’influence de laquelle la Banque de France relevait l’intérêt à 4 pour 100. C’est là un fait considérable, surtout quand on réfléchit que le loyer de l’argent descend quelquefois dans la Grande-Bretagne à 2 ou 2 1/2 pour 100 ; mais on remarquera que le commerce anglais se trouve en 1853 dans une situation tout à fait particulière. Il ne souffre pas uniquement, comme le notre, de la crise des subsistances et du trouble que les complications politiques ont jeté dans les transactions ; les Anglais portent la peine non pas seulement, comme nous, de l’attitude belliqueuse prise par l’empereur de Russie, mais encore des excès de la spéculation et des fautes de leur industrie manufacturière. Ils ont inondé de leurs produits, au risque de ne pas rencontrer d’acheteurs, tous les marchés du monde ; ils se sont mis à découvert, s’il faut en croire leurs journaux, par des crédits à très longues échéances avec les marchands de l’Europe, de L’Amérique et de l’Asie. Une spéculation imprévoyante et effrénée a transporté par-delà les mers une grande partie des richesses du royaume-uni et n’a rien rendu encore en échange. Cette pompe aspirante a fait le vide autour d’elle. Pour le moment, l’Angleterre manque d’argent, — ce, qui explique pourquoi les capitalistes qui en possèdent, et à la tête des capitalistes les banques, le font payer aussi cher.

Au reste, même dans la Grande-Bretagne, les embarras ne paraissent pas s’aggraver. On avait annoncé une nouvelle hausse de 1 pour 100 dans le taux de l’escompte, et cette prédiction, qui passait pour être l’écho d’une résolution déjà prise, ne s’est pas encore accomplie. L’Economist, journal compétent, disait récemment que le bon papier de commerce s’escomptait à 4 1/2, et la Banque d’Angleterre elle-même, qui doit payer en janvier prochain le dividende des annuités de la Mer du Sud, ayant offert le paiement par anticipation avec un escompte de 4 pour 100, n’a séduit qu’un petit nombre de porteurs. Cette démarche a prouvé que la Banque n’avait pas l’emploi de ses