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vont recevoir une destination nouvelle ; ils seront envoyés dans les ministères, dans les départemens, auprès des préfets, pour se façonner à l’intelligence des affaires, à la pratique administrative, au maniement de tous les intérêts desquels ils peuvent être un jour appelés à décider. Ce que la république avait voulu faire un moment par la création d’une école supérieure d’administration, le gouvernement cherche à le réaliser aujourd’hui sous une forme analogue à son principe et à ses tendances, et il n’est point douteux d’ailleurs que l’éducation administrative, ainsi puisée dans l’étude quotidienne et pratique des affaires n’ait un caractère plus efficace que l’instruction théorique puisée dans une école.

Cette application sérieuse à un ordre de travaux peu éclatans peut-être n’est point hors de propos, non-seulement pour le présent, mais pour l’avenir. Il est certain que l’administration des départemens nécessite aujourd’hui un redoublement de zèle et de vigilance. On a pu le voir récemment par un fait. M. le préfet de la Seine constatait dans le budget du département un déficit permanent, d’où il résultait une dette qui s’élevait à plus de 7 millions. Ce qui était constaté pour le département de la Seine ne parait pas être moins vrai pour tous les départemens, et cela s’explique d’une manière assez simple par la combinaison de ressources limitées et de dépenses incessamment accrues sous un nom ou sous l’autre. L’insuffisance des ressources affectées aux dépenses obligatoires a été couverte avec les ressources affectées aux dépenses facultatives ; mais comme ces dépenses facultatives n’étaient pas en réalité moins obligatoires que les premières, et que les ressources attribuées à cette catégorie étaient déjà insuffisantes, l’excédant général des dépenses n’a fait que se développer. Il en résulte que les budgets départementaux non-seulement offrent le plus souvent un déficit, mais encore sont une fiction. Or c’est là une situation dont le péril n’a pas besoin d’être démontré. Est-ce la faute de la législation, comme on le dit ? S’il en était ainsi, on ne saurait hésiter à la modifier. N’y a-t-il point aussi dans ce fait un peu de cette tendance universelle à ne point craindre les déficits, à tout entreprendre, sous le prétexte de l’utilité de la dépense, sans calculer les ressources, en comptant sur nous ne savons quel moyen merveilleux qui viendra tout pallier ? Ce moyen merveilleux n’est pas aussi inconnu qu’on le pense ; en définitive, c’est toujours celui qu’indique M. le préfet de la Seine, — un appel nouveau à l’impôt devenu nécessaire. C’est là assurément une question des plus sérieuses, faite pour appeler la sollicitude de l’administration et des conseils généraux eux-mêmes. Tâchons de ne point faire du déficit une sorte de condition normale de notre existence financière au milieu de tous les développemens de l’industrie, du commerce et de la richesse publique.

Il y a du reste un fait curieux à observer, c’est que la tendance qui se révèle dans une sphère particulière de la vie d’un peuple ne se concentre point exclusivement dans cette sphère ; partout elle se fait sentir. Naissant d’une source unique, elle est à la fois dans la politique, dans les lettres, dans les arts. Cette disposition que nous signalons à dépasser sans cesse toutes les limites, à entreprendre, à agir, à s’engager au-delà de ce qu’on peut, -dépouillez-la de son sens spécial et financier, et cherchez-lui une application