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qui tend à prendre un caractère singulier de vivacité, si bien qu’en fin de compte, après quelques jours seulement, on en est déjà à parler de nouveau d’une suspension possible ou d’une dissolution des cortès. Et s’il en est ainsi, quand aucune discussion sérieuse n’a en lieu encore, qu’arrivera-t-il lorsqu’une question importante ou délicate viendra passionner les esprits ? Tant que les chambres n’étaient point réunies, on en faisait un crime au gouvernement : dès qu’elles sont en fonctions, ne reste-t-il donc plus qu’à fermer les portes de l’enceinte législative ? c’est ainsi que tous les partis, sans s’en douter, par la manière dont ils pratiquent le régime représentatif, s’occupent à le discréditer, il y a évidemment dans la situation de l’Espagne, depuis plusieurs années, un vice profond auquel il est grandement temps de remédier : ce vice, c’est l’absence de toute impulsion politique, c’est l’absence de force dans le pouvoir ministériel, c’est l’absence de toute cohésion dans les partis eux-mêmes. Bien loin de s’abandonner à une sorte de guerre intestine stérile, tous les hommes qui nul représenté à quelque degré l’opinion modérée en Espagne devraient consacrer leurs efforts à reconstituer ce parti. Ce qu’il y a de plus triste, c’est que tout se prêterait, au-delà des Pyrénées, à faire un grand gouvernement conservateur et libéral à la fois. En sentiment monarchique tout puissant le rend facile, le besoin du pays l’appelle, les résistances révolutionnaires n’y mettent plus d’obstacle : il n’y a que les hommes qui manquent. Non qu’il n’y ait des hommes intelligens et d’un caractère élevé, mais ils ne savent point s’entendre et agir en commun. Et cependant l’Espagne est dans une situation où elle devrait pouvoir conserver toute sa liberté d’action, non-seulement dans son intérêt intérieur, mais encore dans la prévision des complications que pourrait faire naître l’événement malheureux qui vient d’avoir lieu dans un pays voisin, en Portugal.

Cet événement, qui peut être encore pour le Portugal l’occasion de nouveaux ébranlemens intérieurs, c’est la mort de la reine dona Maria. da Gloria, qui laisse la couronne à son fils aîné, le prince dom Pedro d’Alcantara, encore mineur. La reine de Portugal est morte en couches ; quoique jeune, — elle n’avait que trente-quatre ans, — dona Maria avait eu une destinée royale, laborieuse. Elle s’était vue souvent au milieu de toutes les révolutions, qui avaient respecté sa couronne. En réalité, elle était pour le Portugal la personnification du régime constitutionnel. C’est en 1826 qu’elle était montée sur le trône, succédant à son père l’empereur dom Pedro, qui avait abdiqué la couronne de Portugal pour garder celle du Brésil. On sait comment il s’ensuivit bientôt une guerre civile, comment l’infant dom Miguel, frère de dom Pedro, et nommé par lui régent pendant la minorité de dona Maria, se servit de son autorité pour s’emparer de la couronne et se proclamer roi, comment enfin il fut rejeté hors du Portugal en 1834 par dom Pedro, accouru pour défendre les droits de sa fille. C’est à l’époque même de cette défaite de dom Miguel que la jeune reine avait été déclarée majeure, bien qu’elle n’eût point atteint l’âge fixé par la constitution, et depuis ce temps bien des mouvemens révolutionnaires s’étaient succédé jusqu’au dernier, qui date, de 1851. C’est donc, on peut bien le dire, une destinée royale laborieuse prématurément tranchée aujourd’hui. Après la mort de la reine dona Maria, son fils, l’infant dom Pedro, a été proclamé roi de Portugal, et jusqu’à l’époque de sa majorité, c’est le père du nouveau souverain, le roi