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de ceux qui sont doux et paisibles, demandent, au retour de leurs longs voyages, le repos et la paix à la solitude des cloîtres, et vont annoncer aux anachorètes exilés dans les bois le retour du printemps. Un jour que saint Guthlac recevait la visite de son ami Wilfrid, deux hirondelles entrèrent dans sa cellule en faisant entendre des gazouillemens joyeux. Elles se posèrent sur ses épaules, sur sa tête, elle caressèrent doucement de leurs ailes noires. Wilfrid étonné dit à Guthlac : « O mon frère, comment avez-vous inspiré tant de confiance à ces filles ailées de la solitude ? — Ne savez-vous pas, répondit Guthlac, que celui qui s’unit à Dieu dans la pureté de son cœur voit à son tour les êtres de la création s’unir à lui ? Les oiseaux du ciel connaissent ceux qui ne se montrent pas dans la société des hommes. » Les hirondelles, à ces mots, agitèrent plus vivement leurs ailes, et poussèrent de petits cris si plaintifs et si doux, qu’on eût dit qu’elles voulaient parler et demander quelque chose. Le saint, qui comprenait leur langage, prit une corbeille de joncs et des brins de paille, posa la corbeille sur la terre, et aussitôt les oiseaux commencèrent à bâtir un nid qui fut bientôt achevé. Le saint le plaça sous son toit, et chaque année, le même jour, à la même heure, les hirondelles venaient lui demander une corbeille de joncs pour leur nid et un abri sous le chaume de sa cellule[1].

Tandis que les oiseaux se font les hôtes des ermites, les sangliers et les ours poursuivis par les chasseurs cherchent contre la fureur de l’homme un asile dans les lieux consacrés, et de la sorte se trouve exprimée par de poétiques légendes cette belle pensée du christianisme, que la demeure des saints est le refuge inviolable de la faiblesse contre la force. Pendant une chasse du roi Clotaire, un sanglier lancé par la meute et près d’être forcé vient se cacher dans la cellule d’un ermite ; il se couche aux pieds du saint homme en élevant vers lui des yeux supplians. Touché de compassion en le voyant si doux, l’ermite étendit les mains en prononçant ces mots : « Prends courage. Tu as eu recours à ma charité, et tu ne mourras pas aujourd’hui. » Les chasseurs entrèrent bientôt : à la vue de cette bête fauve coucher tranquillement devant l’autel de la cellule, ils restèrent frappés d’admiration et allèrent chercher le roi Clotaire pour le faire jouir de ce spectacle merveilleux. Le roi, non moins surpris que ses compagnons, fit de grands présens à l’ermite et laissa le sanglier regagner paisiblement ses bois[2].

Non-seulement les saints et les moines apprivoisent, nourrissent et protègent les animaux, mais encore ils les guérissent de leurs maladies

  1. Apud Bolland., Vita Sancti Guthlaci.
  2. Ibid., Vita Sancti Deicoli.