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de la terre qui fructifie entre ses mains pour le plus grand bien de la communauté, la fortune dont il n’est en quelque sorte que le dépositaire.

Au nord des vertes plaines du Leicester, s’élèvent les premiers étages des montagnes qui forment les deux comtés de Nottingham et de Derby. Les montagnes proprement dites ne commencent que dans le Derby, et le Nottingham n’est encore qu’une série de collines plus ou moins élevées, mais qui participe déjà de la nature des hauteurs voisines. Dans les temps antiques, la forêt de Sherwood, célèbre par les exploits de Robin Hood, en couvrait la plus grande partie. Aujourd’hui la forêt a presque partout disparu devant les progrès de la charrue ; mais ce qui avait causé l’abandon de ces immenses terrains, — la maigreur naturelle du sol, — est resté. Par un privilège particulier à l’Angleterre, la stérilité même de l’ancienne forêt a eu une conséquence heureuse : elle est demeurée la propriété d’un petit nombre de grands seigneurs qui s’y sont taillé à leur aise de beaux parcs et de vastes domaines. Le canton s’appelle en Angleterre la Duckery parce que nulle part on n’y trouve réunies autant de résidences ducales. Là sont les somptueuses habitations des ducs de Newcastle et de Portland, des comtes Mawvers et de Scarborough. Ajoutons que, dans le coin le plus reculé de la poétique forêt, non loin des vieux chênes encore debout qui passent pour avoir abrité Robin Hood, s’élève le monastère à demi détruit île Newstead, où est né et où a grandi lord Byron. Quiconque visite cette solitude comprend mieux comment s’est formé, entre les ruines où reviennent les fantômes des moines dépossédés et les bois solitaires où revivent les légendes des audacieux outlands, le sombre génie qui en est sorti.

Le duc de Portland, le plus grand propriétaire de ces parages, est en même temps un des agronomes les plus passionnés de l’Angleterre. Dans sa longue et honorable carrière, — car il a maintenant plus de quatre-vingts ans, et il a eu la douleur de voir mourir avant lui le second de ses fils, lord George Benlinck, celui-là même qui avait pris un instant la direction du grand parti tory, — il n’a pas laissé passer un seul jour sans employer la puissance de son nom et de sa fortune à des améliorations agricoles. Grâce à lui, les environs de la petite ville de Mansfield ont changé de face et présentent aujourd’hui une riche culture, au lieu des landes qui les couvraient autrefois. Le plus remarquable de ses travaux estime gigantesque entreprise d’irrigation aux portes mêmes de Mansfield. Les eaux d’une petite rivière ont été détournées pour former un large canal qui arrose 160 hectares. Ce beau travail a coulé 1 million. Le produit brut qu’on en retire aujourd’hui est évalué à 6 ou 700 francs par hectare. On y fait deux coupes de foin par an, et le reste de l’année ces