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sous peine de ne pouvoir trouver de travail, qu’un ouvrier étranger à la ville se fasse recevoir, en arrivant, dans l’une des deux. Ces compagnies s’ouvrent, du reste, très facilement aux nouveaux venus, qu’elles semblent même se disputer ; mais elles considèrent l’espèce de contrainte morale exercée sur un compagnon arrivant du dehors comme indispensable à leur propre existence, et comme une raison de sécurité en ce qui concerne les rapports avec les fabricans. Notons, comme indice de l’esprit local d’organisation, que la société de saint Jude a institué une sorte de tribunal composé de 8 membres qui portent le nom d’experts, et qui ont mission de juger souverainement du mérite d’un travail, en cas de contestation avec un chef d’industrie. Ces experts sont les prud’hommes ou plutôt les amiables compositeurs de la profession. La même compagnie exempte expressément du paiement de la cotisation ordinaire les associés sans travail, tout en leur maintenant leur droit au secours en cas de maladie ([1].

Les autres sociétés marseillaises ne sont pas constituées sur le principe de la corporation, et elles ne sauraient dès lors former des unités aussi compactes que les associations des portefaix et des tanneurs. La surveillance y est plus difficile en matière de recettes et de dépenses ; mais leur esprit est plus réellement libéral. Ces sociétés ont pu, grâce à des efforts d’un genre spécial, résister aux germes de désunion si prompts à s’introduire dans des groupes mélangés. On a demandé un moyen de cohésion à la création d’un patronage collectif tiré du sein même des sociétés diverses, et organisé dans des conditions merveilleusement appropriées au besoin local. Durant une période qui s’étend du commencement de ce siècle à 1820, et qui représente la première phase de l’assistance mutuelle dans la cité marseillaise, c’était l’autorité publique elle-même qui exerçait une tutelle officieuse sur les institutions de prévoyance. La direction morale de ces groupes fut remise en 1820 à la société de bienfaisance de la ville, qui la conserva jusqu’en 1842. Cette société reconnut alors qu’il serait plus utile aux intérêts de l’œuvre de confier la surveillance à un comité dont elle provoqua la création sous le nom de grand conseil des sociétés de secours mutuels. Les membres de ce comité, au nombre de 12, sont nommés par les présidens de toutes les sociétés existantes. Le président du grand conseil est en outre investi du droit de désigner 6 membres suppléans. Le conseil a pour mission d’organiser les sociétés, de les installer, de vérifier leurs comptes, d’approuver leurs délibérations, de juger en dernier ressort les contestations

  1. Quelques chiffres donneront une idée de l’état financier de ces associations. La Société de saint Simon, qui compte 111 adhérens, possédait à la fin de 1852 un capital de 4,661 fr., les Enfans de saint Jude, au nombre de 60, n’avaient en caisse que 1,478 fr.