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redoutable passage qui porte le nom de détroit de Magellan, et dans lequel les navigateurs aujourd’hui se hasardent rarement : ils préfèrent passer au sud et au large en vue du cap Horn, mais Magellan ignorait que plus bas la mer était libre, et il aborda le Pacifique en venant de l’Atlantique, chose alors réputée impossible, car on croyait que l’Amérique descendait au sud jusqu’au pôle et formait une barrière infranchissable. De là, remontant vers le nord et ouvrant ses voiles au souffle complaisant des vents alisés, Magellan atteignit le méridien des îles aux épices, but de l’expédition espagnole, car il s’agissait d’en prendre possession en y arrivant par l’ouest, suivant les droits alors reconnus. Ayant péri dans ces parages, son vaisseau et ses compagnons suivirent, pour regagner l’Europe, la route ouverte par le grand Vasco de Gama, qui, en arrivant dans l’Inde par le cap de Bonne-Espérance, changea la face du commerce et du monde en privant de leurs causes de prospérité Alexandrie, Venise et quelques autres villes méditerranéennes. On dit ordinairement que Magellan n’a point accompli entièrement son voyage de circumnavigation. C’est une erreur. Magellan, avant d’entreprendre d’atteindre le méridien des Moluques par l’ouest, était venu précédemment dans ces mêmes parages par le chemin ordinaire, en sorte qu’en le prenant au moment de son départ des Moluques pour l’Europe et en le suivant jusqu’à son retour dans les mêmes parages, où il fut tué, on trouve qu’il a réellement fait le tour entier de la terre. Comme probablement l’expédition espagnole qu’il commandait ne contenait aucun des Portugais avec lesquels il s’était primitivement rencontré aux Moluques, on peut lui attribuer l’honneur exclusif d’avoir lui seul, à l’époque de sa mort, traversé tous les méridiens du globe terrestre.

Le voyageur que nous supposions tout à l’heure inspectant les trois grands océans appelés Atlantique, Pacifique et Indien, devra, pour compléter sa connaissance des mers du globe, faire le tour des glaces polaires du sud, en suivant l’Océan Glacial antarctique par une mer toujours ouverte ; enfin, saisissant une des occasions favorables où la Mer Glaciale du nord brise ses glaces, il côtoiera le dôme solide qui recouvre le pôle nord en suivant d’abord la mer qui longe l’extrémité septentrionale de la Russie et de la Sibérie. Laissant à droite le détroit de Behring, il continuera sa circumnavigation polaire en passant au sud de l’île Melville, comme l’ont fait récemment les marins de l’Investigator, si du moins la mer est libre alors de ses glaces continues. Voilà donc en réalité cinq océans : l’Atlantique, le Pacifique, la mer des Indes, et les deux Mers Glaciales du sud et du nord. Nous les retrouverons bientôt en parlant des courons maritimes.

Nous supposerons encore que la même exploration se soit étendue,