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et par suite se refroidiront. Ce froid condensera en partie la vapeur contenue dans l’air de la plaine, et par suite cet air, d’abord transparent, passera à l’état de brouillard ou de nuage. En continuant de monter, la dilatation et le froid feront des progrès, et une pluie abondante s’échappera de ce même air, si clair dans la plaine. Enfin, s’il atteint le sommet du Puy-de-Dôme, le refroidissement sera tel qu’il se versera de la neige sur les points culminans. Il neige sur les hauteurs, disent proverbialement les Grecs modernes, et ce proverbe, ils l’appliquent principalement à la teinte blanche que l’âge donne aux cheveux : Χιονισε στα ϐουνια (Chionise sta bounia).

De même que l’ascension d’une masse d’air humide dans l’atmosphère la transforme en nuage ordinaire, en nuage pluvieux ou en nuage donnant de la neige, l’abaissement d’une masse d’air nuageuse, la compression et la chaleur qui en sont la suite, lui rendent d’une manière pour ainsi dire magique sa transparence ordinaire et lui ôtent tome assimilation à un nuage ou à un brouillard. Ainsi l’on voit quelquefois du sommet des Pyrénées se précipiter vers les plaines françaises des masses de nuées qui semblent devoir couvrir d’un sombre voile tout l’éclatant paysage qui étincelle aux rayons du soleil d’août ; mais à mesure que ces masses menaçantes se précipitent vers le pied des monts, elles se compriment, s’échauffent et prennent la plus belle diaphanéité. Les pics pyrénéens versent des torrens de sombres nuages, et la plaine reçoit un air pur et transparent.

Encore un autre fait dont j’ai été témoin au sommet du Canigou, le plus élevé des Pyrénées orientales, et dont j’ai eu plus tard l’explication. — Je dirai en passant qu’il ne faut en voyage se laisser préoccuper par aucune théorie ; il faut garder toute son attention pour bien voir ; plus tard, les raisons d’un fait bien observé seront recherchées dans le calme du cabinet. — Or voici ce qui se passait au sommet des Pyrénées : un vent violent poussait l’air de France vers l’Espagne ; nulle part de nuages, excepté un petit filet, à peine épais de quelques mètres et pas beaucoup plus large, qui, malgré la violence du vent qui semblait devoir l’emporter, restait obstinément fixé sur le point où je l’observais. Ce filet de nuage était si nettement terminé, que je pouvais y mouiller la moitié seulement du crayon que je tenais à la main. Le secret de ce curieux phénomène, c’est que l’air était tout juste assez humide pour devenir nuage à la hauteur en question ; plus bas, c’est-à-dire avant comme après avoir atteint cette hauteur, il reprenait sa transparence. C’est pourquoi avant et après ce passage le nuage disparaissait. Ce n’était point, en réalité, une masse d’air fixe qui formait le petit nuage ; c’était l’air, transparent partout ailleurs, qui, en atteignant ce sommet, perdait momentanément