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velléités de réforme, à des témoignages douteux de leur aversion pour le mal et de leur ardeur pour le bien. Un chef qui saurait persuader ces esprits un peu indécis et les rassurer en se compromettant le premier achèverait de déterminer et activerait bientôt le mouvement qui s’opère à demi dans l’école toscane ; malheureusement ce chef n’a pas surgi encore, et les jeunes peintres, ne trouvant pas à s’abriter sous une autorité puissante, se contentent de tâter l’opinion, au lieu de la conquérir et de la maîtriser. Parmi les sculpteurs du moins, un homme existait, il y a quelques années, autour de qui pouvaient se grouper les talens nourris de principes étrangers au classicisme contemporain. Bartolini, grâce à la haute situation qu’il avait su se faire, était en mesure d’encourager et de diriger vers un même but les tentatives isolées ; aujourd’hui encore le statuaire siennois, M. Dupré, quoique très inférieur à Bartolini, aurait jusqu’à un certain point le droit de prendre cette attitude de maître ; mais en peinture, qu’y a-t-il eu et qu’y a-t-il ? Le seul peintre qui ne craigne pas de refuser toute concession aux exigences académiques, le seul qui se propose ouvertement de renouer la tradition de fra Angelico, M. Marini, produit trop peu pour que ses travaux aient sur la marche de l’école une action décisive, et, il faut le dire aussi, la science n’est pas toujours chez lui au niveau des intentions. Plus convaincu qu’aucun de ses compatriotes, il n’a pas sur eux une grande supériorité de talent, et bien que les madones qu’il a peintes attestent un sentiment pur, un respect profond pour les conditions spiritualistes de l’art, elles trahissent trop souvent l’insuffisance de la pratique et l’irrésolution de la main. La place que M. Mussini n’a pas prise encore, faute de décision et de principes très fixes, M. Marini l’occuperait. Si l’habileté de son pinceau égalait le radicalisme de ses opinions ; diversement incomplets l’un et l’autre, ces deux artistes ne peuvent aspirer au rôle de réformarteurs souverains. Ils participent avec honneur à la réaction commencée, ils contribueront peut-être à son succès, mais ils ne semblent pas appelés à exercer sur l’art une influence principale et à le régénérer par la seule puissance de leur initiative.

On peut donc dire que l’école de peinture en Toscane est seulement disposée à entrer dans une voie meilleure. En dépit de quelques essais relativement hardis, elle attend que le goût général l’autorise à étudier de plus près les œuvres de fra Angelico et l’art au XVe siècle ; jusqu’à prisent, elle n’a voué à ces œuvres qu’une admiration assez timide et un amour un peu distrait. L’école de gravure au contraire n’hésite pas à concentrer sur elles toute son attention, et reproduit, de préférence à tout autre modèle, des tableaux qui, il y a quelques années à peine, paraissaient indignes d’occuper le burin. Raphaël, qui n’avait cessé à aucune époque d’inspirer les graveurs, Raphaël lui-même semble dépossédé de ses privilèges, ou, si l’on songe encore à transporter sur le cuivre quelques-unes de ses compositions, on choisit celles qui, par le fond des tendances et par le style, rappellent le plus directement la manière des peintres primitifs : la Vierge au Chardonneret par exemple, récemment gravée par M. Nocchi, et la fresque de Sant’Onofrio, si opportunément retrouvée aux premiers jours de la réaction, si bien faite pour servir du même coup la gloire du grand artiste et la cause de ses aïeux. La planche a laquelle travaillait M. Jesi et que la mort de cet habile graveur vient de laisser inachevée, devait clore dignement la série des estampes d’après