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« Si vous voulez bien, monsieur, vous rendre ici demain jeudi à six heures du soir avec votre assistant[1], je pourrai vous donner une bonne séance pour continuer le travail entamé la semaine dernière. Je vous préviens que j’aurai un adjoint qui a toute la confiance du mentor[2] ; je l’ai désiré, parce que dans une matière d’une aussi grande importance on ne peut trop multiplier les observations.

« C’est toujours avec plaisir, monsieur, que je vous renouvelle tous mes sentimens.

« Mercredi, 17 mars 1779. »


Beaumarchais écrit de son côté en envoyant à M. de Vergennes un mémoire sur ce projet : « J’ai donné un ton élémentaire à ce compte-rendu afin que, lorsque M. de Maurepas le montrera au roi, son inexpérience en affaires aussi compliquées ne l’empêche pas d’en saisir toute la vérité. » Plus loin, c’est le ministre Necker qui de son côté entre en conférence avec Beaumarchais soit sur le transit des tabacs venus d’Amérique, soit sur les moyens les plus économiques d’approvisionner les troupes françaises envoyées, aux États-Unis. Plus loin encore, c’est un autre ministre des finances, M. Joly de Fleury, qui consulte Beaumarchais sur un projet d’emprunt ; ailleurs, c’est le ministre de la marine qui demande son avis ou le charge de surveiller quelque opération financière relative à son département. Souvent c’est Beaumarchais qui intervient de lui-même, par divers mémoires, sur des questions d’intérêt général, par exemple, l’état civil des protestans, pour lesquels il contribue du moins à obtenir, en attendant mieux, l’admission dans les chambres du commerce : certaines villes, comme Bordeaux, les excluaient encore en 1779, quand les finances de l’état étaient dirigées par un protestant.

Quelquefois même, par un contraste assez piquant, on voit Beaumarchais, qui a si souvent maille à partir avec la censure, investi à brûle-pourpoint des fonctions de censeur, non pas officiel, mais officieux. « Voici, monsieur, lui écrit le lieutenant de police Lenoir en date du 19 décembre 1779, un manuscrit pour lequel on demande la permission d’imprimer. Je ne l’ai pas lu ; je vous prie de m’en donner votre avis. » C’est une singulière idée de transformer en censeur un homme si fréquemment censuré. La réponse de Beaumarchais indique un peu d’embarras dans l’exercice de ce genre de fonctions. L’ouvrage qu’on lui soumet roule sur la guerre d’Amérique, au sujet de laquelle il a écrit précisément lui-même une brochure qui vient d’être supprimée. Il répond au magistrat qu’il n’a rien trouvé

  1. C’était sans doute quelque autre financier associé à Beaumarchais dans ce plan de réorganisation de la ferme, qui n’eut pas de suite.
  2. Le mentor est M. de Maurepas. C’est une qualification que M. de Vergennes lui donne souvent dans ses lettres.