Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raison n’est pas difficile à trouver. L’école dramatique de la restauration nous avait annoncé l’attendrissement et la terreur : que nous a-t-elle donné? Chacun le sait, et je n’ai pas besoin de le rappeler. Les yeux des enfans ont été pleinement satisfaits; quant au cœur des hommes, il est demeuré calme comme on devait s’y attendre. Les processions de moines défilant sur la scène le cierge à la main, le De Profundis chanté dans la coulisse, les caveaux d’Aix-la-Chapelle illuminés d’une clarté soudaine, une reine d’Angleterre offrant au bourreau la tête de son amant, la fille d’un pape projetant à son insu la mort de son fils pour venger un ridicule jeu de mots, — il y avait là sans doute de quoi effrayer les enfans et les nourrices. Les esprits familiarisés avec l’histoire ne pouvaient que sourire à cette tentative d’une imagination puérile. Shakspeare et Schiller, évoqués par la baguette magique d’un nouveau Merlin, écoutant les paroles placées dans la bouche de ces singuliers personnages, se seraient trouvés étrangement dépaysés; j’imagine même qu’ils n’auraient pas compris grand’chose aux applaudissemens prodigués par les amis du poète. Non pas que je songe à contester l’habileté empreinte dans tous ces enfantillages : il y a certainement un art consommé dans la combinaison des incidens, dans les occasions sans nombre offertes au talent du machiniste et du costumier; mais offrir un tel spectacle à des hommes déjà mûris par l’étude, à des femmes déjà éprouvées par les passions, c’est vraiment se moquer, et je ne m’étonne pas que la foule, un moment éblouie, ait bientôt désappris le chemin du théâtre. Il y avait entre les promesses et les faits accomplis une disparité trop frappante pour que l’auditoire ne témoignât pas son dépit. Le parterre et les loges n’étaient pas peuplés d’érudits : la multitude, étrangère à toutes les doctrines poétiques, ne demandait qu’à être émue; mais au lieu de l’émotion, le poète ne lui offrait que la surprise. Il ne faut donc pas gourmander la multitude et lui reprocher son apathie et son inintelligence, car elle a fait preuve en cette occasion d’un rare bon sens. Sans connaître ni l’Angleterre ni l’Allemagne, sans comparer les œuvres de l’école nouvelle au programme pompeux que ces œuvres devaient réaliser, elle s’est contentée de bâiller, et les esprits éclairés ne sauraient lui en vouloir. Son ennui n’était qu’un acte de justice, un arrêt sans appel.

Je comprends très bien la colère de l’école nouvelle, aujourd’hui délaissée; je comprends très bien qu’elle accuse de vieillesse et même de caducité les esprits rebelles qui enregistrent ses échecs comme des faits prévus depuis longtemps, et acceptent comme très légitime l’oubli où elle est tombée :. la colère n’est pas un argument; il ne suffit pas d’injurier ses adversaires pour les convaincre d’ineptie. Le sarcasme, excellent dans une péroraison, quand la victoire est