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L’auteur du Mariage de Figaro, qui a l’esprit inventif et qui serait d’autant plus charmé de voir le prince payer ses créanciers, que ce dernier lui doit beaucoup d’argent, indique à son illustre ami un moyen ingénieux de mettre à profit l’admiration que le roi d’Espagne éprouve pour son brillant courage. Le prince, qui a déjà fait le tour du monde, dira à sa majesté qu’il désire le recommencer, et il lui demandera pour toute faveur l’entrée franche de deux vaisseaux et de leurs cargaisons dans tous les ports des colonies espagnoles. Cette permission obtenue, le prince se retournera du côté du roi de France, et le priera de vouloir bien lui prêter deux vaisseaux pour refaire le tour du monde, et arriver par cette voie un peu détournée à payer ses dettes. En effet, sur ces deux faveurs obtenues, Beaumarchais se fait fort de trouver une compagnie de négocians qui se chargera de munir les deux vaisseaux de marchandises, et d’avancer au prince cinq cent mille francs. Nassau adopte avec enthousiasme cette combinaison savante. Le roi d’Espagne accorde la faveur demandée. Reste à obtenir les deux vaisseaux du roi de France. Dans cette pensée, le prince adresse à Louis XVI un long mémoire sur l’état de ses affaires ; il sollicite un arrêt de surséance aux poursuites de ses créanciers, il expose le plan qui lui permettra de payer ses dettes, et en faveur de ses services militaires il demande le prêt de deux vaisseaux. Ce qu’il y a de plus curieux dans ce mémoire après la combinaison destinée à débarrasser un héros de ses créanciers sans qu’il en coûte rien à l’état, c’est qu’en terminant son mémoire au roi, le prince de Nassau invoque à l’appui de sa pétition le témoignage de Beaumarchais, « lequel veut bien, dit-il, par une suite de son attachement pour moi, donner tous ses soins à l’entier acquittement de mes dettes. » Et Beaumarchais appuie la demande du prince à Louis XVI par la note suivante :


« Si le témoignage d’un homme d’honneur invoqué peut donner quelque poids aux faits énoncés dans ce mémoire, j’atteste que depuis le mariage du prince de Nassau-Siegen, par les sacrifices les plus étendus de la princesse sa femme, tant sur ses terres que sur ses diamans et autres effets, le prince a payé près de cent mille écus de ses dettes.

« Je certifie que tout l’argent accordé par sa majesté pour acquitter les dettes du prince relatives à sa campagne de Jersey, lequel argent m’a passé par les mains à l’invitation de M. le comte de Maurepas et de M. de Sartines, a été entièrement appliqué aux créanciers fournisseurs de cette campagne sans qu’il en ait été détourné un écu pour l’usage personnel du prince[1].

« Je certifie qu’il est dû sur les reliquats de cette campagne à divers créan-

  1. On a vu plus haut que cette assertion n’est peut-être pas rigoureusement exacte ; mais on a vu aussi que Beaumarchais avait fait tout son possible pour qu’elle le fût.