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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 septembre 1853.

Les affaires d’Orient, que l’on avait pu croire à la veille de s’arranger, sont rentrées brusquement dans une phase qui serait menaçante pour la tranquillité de l’Europe, si l’union de la France et de l’Angleterre ne devait pas rassurer les esprits trop prompts à s’alarmer. Résumons brièvement la question qui se débat, depuis une année bientôt, entre la Russie et la Turquie : c’est le meilleur moyen d’en faire ressortir le véritable caractère.

Au début de cette crise, sur l’importance de laquelle, il faut le reconnaître aujourd’hui, le gouvernement français a eu le mérite de ne pas se tromper un instant, l’on ne voulait y voir, qu’on nous passe l’expression, qu’une querelle de sacristie. On s’étonnait généralement que l’on fit tant de bruit (et peut-être, en effet, était-ce un tort) de la grande clef de l’église de Bethléem, de l’étoile de la grotte de la Nativité, et du droit recouvré par les catholiques de célébrer leurs cérémonies dans le tombeau de la Vierge. La vérité est que la France, en se contentant d’un résultat si incomplet, montrait que, si elle n’avait pas oublié, comme on le lui reprochait, ses traditions religieuses en Orient, elle comprenait aussi que le siècle plus qu’écoulé depuis 1740 avait donné aux faits accomplis une sorte de consécration dont, en dépit des traités les plus formels, il eût été imprudent et même, à certains égards, injuste et impolitique de ne pas tenir compte. Les concessions qu’elle avait obtenues n’ôtaient aux Grecs, on ne saurait trop le répéter, aucun des avantages dont ils se trouvaient en possession ; elles admettaient seulement les Latins à la participation très restreinte de plusieurs sanctuaires qui avaient été autrefois leur propriété exclusive. Rien n’était plus simple, et si dès lors la Russie n’avait pas eu un but politique en perspective, elle aurait eu le bon goût de se taire et de ne pas affecter, pour les privilèges de l’église orientale, les appréhensions calculées qui ont décidé la mission de M. le prince Menchikof à Constantinople. Cela est tellement vrai qu’entre la note remise à M. de La Valette et le firman délivré à la même époque au patriarche du rite grec, les différences de détail sont insaisissables ; et, comme M. Drouya de Lhuys l’a péremptoirement démontré, si quel-