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cultures cotonnières sur une large échelle, se forme au sein même de l’industrie spécialement intéressée à ce genre de récolte. Ces tentatives auront à coup sûr une influence considérable sur l’avenir de l’Algérie; mais, avant d’examiner les chances de succès qu’elles présentent et l’importance qu’elles peuvent avoir pour la métropole, il faut marquer la place qu’occupe actuellement le coton dans l’ensemble du mouvement commercial.


I. — PRODUCTION ET COMMERCE DU COTON.

Quoique la culture du cotonnier fût bien éloignée autrefois de l’importance qu’elle a acquise en ces derniers temps, on s’y adonnait plus généralement qu’aujourd’hui; elle constituait dans la plupart des pays chauds une de ces petites spécialités qui entrent dans l’économie rurale, de manière à procurer aux cultivateurs des bénéfices accessoires. Les Américains du Nord ont transformé ce genre d’exploitation en l’élevant au rang des plus grandes industries. Le coton ayant perdu depuis le commencement du siècle les trois quarts de sa valeur commerciale, il faut travailler sur une grande échelle et produire beaucoup pour obtenir des résultats suffisamment rémunérateurs. La production s’est localisée presque exclusivement dans quatre pays qui ont des ressources exceptionnelles en terres, en capitaux et en population travailleuse : les États-Unis, les Indes orientales, l’Egypte, le Brésil.

Pour conquérir cette supériorité qui constitue en leur faveur une sorte de monopole, les Américains ont déployé une persévérance qui est un des traits remarquables de leur histoire, car c’est un des élémens de leur grandeur. Les exilés anglais fondateurs de l’Union firent au début la même faute que les colons de l’Algérie : ils transportèrent dans le Nouveau-Monde les cultures de la mère-patrie, s’obstinant à produire du blé et des légumes; cela dura plus d’un

siècle. Les hommes clairvoyans répétaient néanmoins que l’Amérique anglai.se ne prendrait rang parmi les nations qu’à la condition 

de développer les cultures répondant aux besoins industriels de l’ancien monde; ils recommandaient notamment celle du coton. Ils prêchèrent longtemps dans le désert. L’effervescence qui suivit la proclamation de l’indépendance amena enfin l’idée à maturité. On se mit à l’œuvre en tâtonnant, car on n’avait alors ni l’expérience, ni les moyens d’action dont une grande nation comme la France peut disposer en faveur de l’Algérie. L’Europe croyait si pou au succès, qu’en 1784, huit balles de coton ayant été apportées à Liverpool par des navires américains, les autorités anglaises en ordonnèrent la