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à ce sujet une influence malveillante, tandis que les Anglais, qui se sont interdit le droit de posséder la terre, restent sans action sur les cultivateurs. Les cotons indiens ont d’ailleurs à supporter des frais de transport exceptionnels pour arriver sur des marchés où ils sont frappés de discrédit. Ils ont donc peu d’attrait pour les négocians. Ils constituent une réserve dans laquelle on puise quand la marchandise est rare et chère. L’importation s’arrête quand le prix des espèces préférées devient abordable. En 1849, époque de cherté, elle a atteint 58 millions de kilogrammes. Les prix ayant baissé depuis cette époque, elle ne dépasse plus de beaucoup 30 millions.

Rien de plus encourageant pour la France africaine que l’exemple de l’Égypte. En 1820, un Français, M. Jumel, remarque dans un jardin quelques pieds de coton cultivé comme ornement. Il conseille au pacha de créer des cotonnières. Les moyens d’exécution lui sont fournis immédiatement. Dès l’année 1821, on envoie à titre d’échantillons 48,000 kilogrammes de coton en laine. L’exportation de la seconde campagne est quarante fois plus forte, et en 1823, après deux ans d’essais, on est en mesure de fournir à l’Europe 13 millions de kilogrammes d’une qualité estimée. Ln bénéfice net de 7 à 8 millions de francs entre dans les coffres du pacha.

Un despotisme inintelligent altéra peu à peu cette source de prospérité. Les cultivateurs, auxquels le gouvernement fournissait la terre et les outils, devaient livrer les récoltes suivant un tarif qu’il ne leur était pas permis de débattre. En apparence, le prix était suffisamment rémunérateur ; mais on fit les paiemens avec un papier qu’il fallait escompter à perte, de sorte que la denrée, achetée à un cours nominal équivalant à 55 francs les 50 kilogrammes, ne rapportait effectivement qu’une trentaine de francs au travailleur. Les plaintes, si timides qu’elles fussent, parvinrent jusqu’au pouvoir. On daigna reconnaître qu’il y avait abus, et comme correctif, il fut décrété que le papier serait pris au pair en paiement des impôts ; mais alors l’impôt fut élevé peu à peu, et comme d’ailleurs il y a en Égypte solidarité entre les contribuables, le fellah producteur de coton, un peu moins pauvre que les autres, fut obligé de payer pour ses voisins, et se trouva encore plus à plaindre que par le passé. On conçoit que les cultivateurs n’aient pas été fort ardens pour l’amélioration des cultures. Les résultats obtenus dès le début furent rarement dépassés pendant les vingt années qui suivirent ; mais l’iniquité et la sottise d’un semblable régime paraissent avoir été sentis en ces derniers temps. Le producteur est moins scandaleusement exploité. Des travaux d’irrigation ont élargi la surface cultivable, et, la température aidant au progrès industriel, l’année 1852 a été remarquablement favorable. Dépassant d’un tiers les récoltes