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cette proportion. L’égrenage des capsules, le nettoyage et le triage du duvet étant des opérations dispendieuses et constituant peut-être la partie la plus difficile de l’apprentissage que nos colons doivent faire, on concevrait qu’un prix de faveur fût décerné au coton conduit au degré de netteté qui lui donne sa valeur commerciale. On a fait précisément le contraire. Le coton brut est payé en réalité 80 pour 100 de plus que le coton nettoyé ; nous allons le prouver. Si le planteur prenait la peine d’égrener lui-même 5 kilogrammes de longue-soie, il en tirerait 1 kilogramme net estimé 9 fr.; qu’il présente les 5 kilogrammes à l’état brut, et on lui comptera 15 fr. Cette plus-value de 6 fr. ne sera pas son seul bénéfice : il gagnera encore les frais de manipulation, qui sont très considérables pour ces qualités super-fines. Le Moniteur a publié récemment une note dont les élémens sont empruntés à l’un des plus célèbres producteurs, M. Whitemarsh-Seabrook, actuellement gouverneur de la Caroline du Sud. Nous y apprenons que dans ce pays, où la spéculation porte particulièrement sur les longues-soies, les plantations importantes renferment de vastes magasins où se trouvent des pièces séparées pour les cotons avant l’égrenage, pour les cotons égrenés, pour le battage, l’assortissage, l’emballage. La main-d’œuvre y est minutieusement divisée, comme dans une grande manufacture : ainsi, pour la préparation d’un sac, de sea-islands superfin pesant 680 kilogrammes avant l’égrenage et devant donner seulement 136 kilog. égrenés, on emploie comme sécheurs, batteurs, cylindreurs, assortisseurs, emballeurs, 54 personnes à 50 cents, soit pour le tout 27 dollars valant 145 fr. Qu’on évalue en outre les frais de combustible et de matériel, et on trouvera que la préparation de chaque kilogramme entraîne une dépense d’environ 1 franc 25 centimes. N’avions-nous pas raison de dire que le prix de 3 fr. Pour le kilogramme de longue-soie non égrené équivaut à plus de 16 fr. Pour la même quantité de coton nettoyé ? Pareille observation est à faire relativement aux courtes-soies. Acheter le produit brut à 1 fr. le kilogramme, c’est le payer au moins 3 fr. à l’état vendable. Ces prix sont excessifs, et nous ne serions pas surpris que l’état perdît 100 pour 100 en revendant ces marchandises. À ce compte, la production du coton en Algérie, si elle prenait une importance réelle, serait ruineuse pour la métropole.

Le troisième système, conseillé par d’honorables négocians, celui qui consiste à encourager la culture par des primes à l’exportation de la denrée, n’est pas non plus d’une exécution facile. Dans le commerce du coton, l’échelle des qualités est fort étendue, et les prix en France, avec la surcharge des frais de transport et de l’impôt, ont varié depuis dix ans entre 1 fr. 30 cent, et 9 fr. le kilogramme. Sur quelle base asseoierait-on la prime? On reconnaîtrait probablement