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d’un travail obstiné et incessant, — par des œuvres de controverse religieuse et sociale telles que le Protestantisme comparé au Catholicisme et les Lettres à un Sceptique, — par des essais destinés, comme la Philosophie fondamentale, à doter l’Espagne d’une science propre, en la détournant des philosophies sceptiques ou révolutionnaires de l’Europe, — par toute une série de publications périodiques dont les fragmens, reflets de la situation de la Péninsule, forment aujourd’hui une substantielle collection d’écrits politiques, — par d’éloquentes esquisses comme Pie IX, — et enfin par le Criterio, cette œuvre charmante d’observation morale d’un La Bruyère espagnol. Enlevé prématurément par une de ces morts tristes et belles à la fois qui ne se confondent point avec le déclin d’une intelligence éminente, Balmès avait vécu assez pour toucher, comme prêtre, aux dignités ecclésiastiques les plus élevées, et pour pouvoir même en refuser l’honneur. Comme publiciste, ses ouvrages, popularisés par les dernières révolutions elles-mêmes, se sont répandus lentement et ont acquis la plus durable influence<ref> Le Protestantisme de Balmès a été traduit dans presque toutes les langues. En France, la traduction en est à sa deuxième édition. Le Criterio, qui est passé dans notre langue sous le titre de l’Art d’arriver au vrai, en est à la quatrième édition. La Philosophie fondamentale vient d’être également traduite. Les Lettres à un Sceptique paraissent devoir être aussi publiées en français. Il serait fort à désirer qu’il fût fait en outre un choix intelligent dans les Écrits politiques de Balmès. M. de Blanche-Raffin, auteur lui-même d’une intéressante biographie de Balmès et traducteur du Protestantisme a mis un zèle rare à répandre les ouvrages du docteur espagnol. </<ref>. Dans bien des considérations accréditées depuis quelques années, on serait assez surpris parfois de ne trouver que le développement de quelques pensées de l’écrivain espagnol. Si on veut chercher dans un fait la mesure de l’autorité de Balmès, peu avant sa mort, au milieu des effervescences croissantes de l’Italie, le pape lui avait demandé un mémoire « sur le droit des nationalités. »

Le mouvement des choses dans ce siècle a fait paraître avec éclat sur la scène plusieurs prêtres d’un talent supérieur assurément : M. de Lamennais en France, Gioberti en Italie. On sait où est allé aboutir l’auteur des Paroles d’un croyant. Après avoir introduit dans la philosophie la plus périlleuse des méthodes, il a glissé sur la pente et en est aujourd’hui à se débattre dans les profondeurs du radicalisme révolutionnaire. Sans tomber dans cette extrémité, Gioberti a usé un brillant esprit dans la recherche des plus chimériques systèmes, dont il a eu le malheur, pour lui et pour le Piémont, de faire quelque peu l’essai avant sa mort. Bien qu’à un degré inégal, tous deux ils ont porté au front le double signe des rebelles dans l’ordre religieux, des sectaires dans la politique. Balmès a eu le même éclat de talent en Espagne, il n’a point eu les mêmes éclipses et les mêmes