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qui n’a jamais eu d’application, qu’on le remarque bien. Le jour où, pour la première fois, il a dû être appliqué, il a volé en éclats. Il a été brisé non par la violence, mais par un acte régulier, sanctionné par des cortès et faisant revivre l’ancien droit, — acte créé non pour la circonstance, mais remontant à 1789. Tout se réunissait donc, au point de vue du droit monarchique, en faveur d’Isabelle II. Seulement le droit avait à triompher d’une guerre de sept ans, et à tirer des circonstances une signification nouvelle.

S’il n’y eût eu que cette question de légalité monarchique, le débat ne pouvait être douteux un moment. Ce qui le compliquait, comme l’a dit Balmès plus d’une fois, c’est l’antagonisme des principes politiques, c’est la lutte entre les idées monarchiques pures, absolues, personnifiées dans don Carlos, et les influences plus libérales qui planaient sur le trône ou sur le berceau de cette enfant qui était reine à Madrid; mais cela ne fait que mieux marquer le caractère d’une situation où l’Espagne trouvait, dans une royauté légitime selon le droit, une royauté également légitime selon les instincts et les besoins modernes. Une des erreurs les plus singulières de quelques cabinets de l’Europe et du parti légitimiste français a été de se méprendre comme ils l’ont fait sur cette situation. Ils ont cru être les gardiens incorruptibles du principe monarchique au-delà des Pyrénées, et ils ont contribué à lui faire essuyer une des plus rudes épreuves qu’il pût subir. Ils ont imaginé être les complices d’une croisade contre la révolution, et de fait ce sont eux qui ont été les plus efficaces auxiliaires de la révolution. Si tant d’excès ont été commis, si les couvens ont été incendiés, si l’anarchie s’est promenée si souvent dans les villes de la Péninsule, c’est en grande partie à l’insurrection carliste que cela est dû. Pour rendre plus palpable l’impopularité de ces excès, Balmès, dans ses Considérations, les montre tournant sans cesse durant la guerre au profit de don Carlos. « Voulez-vous savoir, dit-il, à quel point en est cette guerre, si la cause de don Carlos avance ou rétrograde ? Vous avez dans la main un excellent baromètre, soumis à une règle bien simple : toujours la cause carliste progresse en raison directe de l’exagération et de la violence qui règnent à Madrid. » Oui, sans doute, mais le contraire n’est pas moins exact. Voulez-vous savoir, pourrait-on dire, où en est la révolution à Madrid, dans quelle mesure elle pèse sur le gouvernement et se propage dans le pays ? Observez où en est la guerre dans la Navarre, dans la Catalogne, dans l’Aragon ; comptez les avantages obtenus par Zamalacarregui ou Cabrera. C’est ainsi que l’Espagne va du programme de M. Zea Bermudez à l’estatuto de M. Martinez de la Rosa, de l’estatuto à l’exhumation de la constitution de 1812 et à l’embrasement de 1836. L’insurrection carliste avait deux résultats : elle enflammait les instincts libéraux de l’Espagne jusqu’à