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sur le modèle de la famille. Le chef y garde en effet quelques-uns des attributs du patriarche et du père; mais son rôle n’est pas un rôle inactif. S’il confère des droits étendus, il impose de continuels devoirs; il prescrit, comme dans une famille, les sacrifices que réclame l’intérêt de chacun des membres de la communauté. La prévoyance s’est formulée dans des institutions qui offrent aux ouvriers des facilités de diverse sorte pour écarter les mauvaises chances de la vie industrielle. D’abord les familles laborieuses n’ont pas de loyer à payer; elles sont logées gratuitement dans des maisons convenablement disposées. De plus, on leur fournit la farine à prix coûtant, pour que chacune d’elles puisse, s’il lui convient de suivre l’usage local, faire elle-même son pain. On évite cependant avec soin que la prudence du patron ne dispense les ouvriers de toute initiative. Aucun avantage résultant des institutions intérieures n’est complètement gratuit; les cotisations demandées étant insuffisantes pour en couvrir les frais, la caisse de l’établissement se borne à combler le déficit. Ainsi chaque famille est obligée de payer un abonnement de 6 francs par an en vue des éventualités de maladie; la dépense s’élève à peu près au double du montant des abonnemens. Pour l’entretien des écoles, on verse mensuellement 60 centimes pour chaque enfant en âge de les fréquenter; il faut encore ajouter à la somme de ces subventions isolées un supplément d’environ moitié. Quand le travail devient impossible, on accorde des retraites, mais seulement pour aider les familles à porter un fardeau dont il ne serait pas moral de les décharger entièrement. Les retraites ne sont d’ailleurs payées qu’à un âge fort avancé, car il est extrêmement difficile de décider les vieux ouvriers à quitter l’atelier. On m’a montré un vieillard de soixante-quinze ans plié par l’âge qui se cramponne encore à son ouvrage, et ne peut se résigner à prendre du repos. Le maire actuel de Villeneuvette, qui jouit d’une pension depuis quinze années, avait travaillé jusqu’à soixante-dix-huit ans. Grâce à ces institutions, les pauvres et les mendians sont aussi inconnus dans la commune que les paresseux et les débauchés.

Nulle part, en dehors de Villeneuvette, les institutions économiques ne forment un ensemble aussi complet; toutefois il se produit des efforts partiels dignes d’attirer l’attention. On doit remarquer par exemple à Lodève des vestiges déjà anciens de l’esprit de corporation tel qu’il apparaît en Flandre. Dans la vieille église de Saint-Pierre, que notre première révolution a malheureusement détruite, chaque corporation avait son autel autour duquel elle rassemblait ses membres pour prier en commun dans certaines occasions déterminées. Cette tendance des intérêts de même nature à se réunir s’est manifestée de nos jours, soit dans l’établissement des tarifs de