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fabrication, soit dans diverses ébauches de sociétés de secours mutuels. Les tarifs, qui sont la règle admise par les patrons et par les ouvriers pour la rétribution du travail, n’offrent pas, dans une industrie toujours semblable à elle-même, comme l’industrie lodévienne, les difficultés insurmontables qui ont tourmenté la mobile fabrique de Lyon. La question ne s’est d’ailleurs pas posée sur les bords de la Lergue avec le même caractère qu’au confluent de la Saône et du Rhône. La première idée de ces conventions générales appelées tarifs remonte à plus de vingt-quatre ans. Les règles primitivement admises ont été depuis remaniées à diverses époques, notamment en 1845 et en 1848. De tels accords, quand ils sont volontaires de part et d’autre, n’ont rien que de très légitime. Si la loi punit les coalitions, c’est-à-dire le concert entre plusieurs individus pour peser sur la volonté d’autrui, elle garantit en termes énergiques l’exécution des conditions librement stipulées, et elle laisse à chacun la pleine faculté de donner ou de refuser son concours, suivant que la rémunération lui paraît ou non suffisante. Le tarif ne constitue pas un droit immuable, mais il forme de plus en plus à Lodève une institution intérieure de la fabrique, et comme de telles conventions, auxquelles les ouvriers attachent une importance capitale, intéressent le maintien de l’ordre public, elles ne sauraient être exécutées avec trop de scrupule et de fidélité.

Quant aux sociétés de secours mutuels, elles sont en quelque sorte annexées aux confréries des pénitens blancs et des pénitens bleus, sans se confondre aucunement avec elles. L’aide prêtée aux sociétaires malades consiste dans une allocation de 1 franc par jour pendant trois mois. Si modestes que soient ces associations de prévoyance, la politique ne les avait pas épargnées depuis la révolution de février. On les a dissoutes après les événemens de décembre 1851, mais on tolère leur intervention secourable jusqu’au moment où l’assistance mutuelle aura pu être organisée sur les bases plus fermes de la législation actuelle. Les fabricans doivent évidemment prêter un concours empressé à la réalisation d’une pensée qui tend à la fois au soulagement des misères privées et au maintien de la sécurité publique. On dit que la méfiance des ouvriers est un obstacle à la bonne volonté des fabricans; mais l’inertie de ces derniers n’était-elle pas antérieure aux manifestations du désordre ? Les ressentimens qu’ont pu laisser les troubles de 1848 ne doivent pas paralyser une bienveillance qui est d’ailleurs la meilleure garantie pour l’avenir.

A Bédarieux, dans cette ville où l’essor de la fabrique est si récent, l’esprit de corporation ne se rattache pas à des souvenirs héréditaires. Cependant on y avait importé, même avant 1848, les sociétés de secours mutuels. Ces institutions ont su se préserver des