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modifications dans les statuts, qui n’en gardent pas moins l’empreinte des intentions primitives.

Dans la phase qu’atteint aujourd’hui la vie industrielle de cette région de la France, ces premiers essais de l’esprit d’association forment un excellent point d’appui pour de plus larges applications des mêmes idées. En s’implantant de bonne heure dans nos provinces méridionales, avant que la production manufacturière y ait pris son complet développement, les institutions de prévoyance affaibliront les chances funestes mêlées aux avantages d’un accroissement désormais prévu du système industriel.

Le bien-être matériel des familles ouvrières dépend ici avant tout de la prospérité de l’industrie drapière. Sa situation jusqu’à ce jour se présente sous des auspices favorables; nos manufactures des Montagnes-Noires n’ont point connu les rudes épreuves économiques qui résultent des crises monétaires, d’une production exagérée, ou du contre-coup d’événemens extérieurs. Leurs marchés se sont agrandis aussi vite que leur fabrication; mais au milieu de la rivalité industrielle qui remplit notre époque, la draperie méridionale ne saurait sauvegarder son avenir qu’au prix d’efforts ininterrompus. Quelle ligne doit-elle suivre ? vers quel but doit-elle s’avancer ? On ne saurait le dire trop haut : l’erreur des manufacturiers serait ici de songer à marcher de pair avec nos cités du nord, Sedan et Elbeuf, où règne aussi la fabrication des draps, et de viser aux articles luxueux, aux étoiles superfines. Le Languedoc a une spécialité : la production à bas prix; qu’il se garde d’abandonner cette arène, moins exposée que la fabrication de luxe aux vicissitudes commerciales; mais, en s’y maintenant, il doit s’appliquer sans relâche à perfectionner les produits destinés à la grande consommation, et à réaliser de plus en plus l’alliance de la solidité et du bon marché. Sur son terrain, avec la main-d’œuvre à bas prix, avec les forces hydrauliques que lui offre libéralement la nature, la draperie méridionale est à peu près invincible. Ses marchés mêmes, c’est-à-dire les lieux où elle place communément ses produits, lui offrent des conditions particulières de sécurité : elle s’adresse, à l’intérieur, à celle de nos populations qui sont le moins mobiles dans leurs goûts, le moins agitées par les caprices de la mode. Quand elle exporte ses produits, c’est principalement dans le Levant, où les habitudes sont si tenaces et si uniformes. En dehors de la communauté de situation qui les unit, les diverses fabriques de ces contrées ont à soutenir entre elles une lutte qui suffirait pour les tenir en haleine. La décadence de quelques cités industrielles du midi témoigne assez haut que l’indolence est promptement suivie d’une ruine irréparable.

A l’habileté industrielle il faut aussi que les manufacturiers sachent