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joindre, comme nous l’avons dit pour Nîmes, l’habileté commerciale. Jusqu’ici, ils semblent s’être plus préoccupés d’amoindrir les frais du placement de leurs produits, de supprimer tout intermédiaire inutile, que d’étendre à l’aide d’une action directe l’horizon même de leur clientèle. L’activité déployée dans cette voie trouverait cependant une récompense assurée. Comment, par exemple, le bon marché de ses tissus ne permettrait-il pas à une ville comme Mazamet de s’ouvrir au dehors des issues qui lui manquent encore ?

Dans sa situation toute spéciale, Lodève a peut-être plus qu’aucune autre cité manufacturière du midi des motifs pour chercher à simplifier ses procédés de fabrication. Elle est menacée par la concurrence dans sa possession des fournitures militaires. Or avec la clientèle de l’armée disparaîtraient dans cette ville presque tous les élémens de travail, presque tous les moyens d’existence de la population laborieuse[1]. Les mesures qui peuvent faciliter ou améliorer la fabrication prennent donc ici une importance capitale.

La région que nous venons de parcourir peut compter, on le voit, parmi les plus intéressantes de celles où se développe l’industrie française. L’instinct du travail s’y associe à des passions ardentes qui ne sont pas hostiles cependant à toute règle morale. Ce qui manque aux ouvriers du midi, c’est un contact plus fréquent avec le reste de la France. Le réseau de voies ferrées promis à ces régions sera un bienfait inappréciable, qui les ouvrira à la circulation des idées comme à la circulation des produits matériels. Le mouvement intellectuel parmi les classes populaires subira ici la loi qui lui est imposée en tout pays : il profitera des facilités offertes aux intérêts économiques.


A. AUDIGANNE.

  1. Il serait à désirer, dans l’intérêt des ouvriers, que les commandes militaires pussent se répartir plus régulièrement sur tous les mois de l’année. Dans l’état actuel des choses, ces fournitures présentent, à côté de l’avantage d’un travail assuré, le désagrément d’un travail irrégulier. Les ordres arrivent subitement, et alors on se met à les exécuter avec une sorte de frénésie ; puis à cet ardent coup de feu succèdent des chômages plus ou moins longs, toujours pénibles à traverser. — Il est certains grands travaux d’utilité publique qui amélioreraient singulièrement la situation de la place. On se plaint que, par suite du déboisement des plateaux, voisins, les eaux des rivières diminuent sensiblement depuis quinze ou vingt ans. Le jour n’est peut-être pas loin où les appareils à vapeur, dont il n’existe qu’un seul aujourd’hui dans la fabrique, devront joindre aux moteurs hydrauliques leurs forces inépuisables; mais, bien que les gîtes houillers du Bousquet et de Graissessac, qu’un chemin de fer va bientôt réunir à Béziers, ne soient pas à une grande distance, comme il faut, pour les atteindre, gravir la rude montagne de l’Escandolgue, les transports du charbon sont extrêmement coûteux. Il a été question de percer les flancs de la montagne, dont la base n’a pas plus de quatre cents mètres d’épaisseur. Une telle entreprise mériterait de trouver un actif concours dans la fabrique de Lodève.