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premier à le dire, et il est fort à souhaiter que cela devienne la pensée commune. Il est très vrai aussi que, dans une réaction de ce genre, rien n’est plus nécessaire qu’une critique vigilante et sûre, sympathique à tous les essais sérieux, inflexible pour toutes les aberrations du goût. Que disions-nous pourtant que l’école romantique est morte ? M. Amédée Pommier n’est-il pas encore là avec son poème de l’Enfer ? M. Pommier est un homme de bonnes intentions, son Enfer en est semé; malheureusement elles ne sauvent personne, comme on sait, un poète moins encore qu’un autre. Il serait difficile d’entasser dans quelques pages de poésie plus de trivialités et d’images informes. Rien n’égale l’assurance de M. Pommier, si ce n’est sa bonne foi; il pousse même la conscience jusqu’à faire précéder son nouveau poème d’une critique certainement fort juste. Alors pourquoi l’auteur n’a-t-il pas simplement supprimé son Enfer ? Il n’y eût point perdu, et le goût eût moins perdu encore à cette courageuse immolation d’hémistiches rocailleux et bizarres.

Renouons le fil de la politique contemporaine. En dehors des événemens d’Orient, on conçoit qu’il y ait une certaine stagnation dans la plupart des pays que quelque intérêt rattache à cette affaire. Quant aux autres, simples spectateurs de cette crise, ils ont leur mouvement propre de travaux et d’intérêts dont le caractère reste en quelque sorte plus national. L’Espagne, on ne l’a point oublié, vient d’avoir son changement de ministère. Lorsque cette sérieuse modification du pouvoir s’est produite à Madrid, c’était une question de savoir quelle influence allait dominer. L’incertitude qui règne depuis long-temps dans la politique au-delà des Pyrénées n’était pas de nature à rendre cette question inutile. Aujourd’hui, sur bien des points du moins, le doute n’est plus permis. Le nouveau gouvernement n’a point tardé à manifester l’intention de revenir à des moyens plus modérés et un peu plus constitutionnels que ceux qui ont été mis en usage à Madrid depuis quelques mois. La première affaire que devait rencontrer devant lui le cabinet présidé par le comte de San-Luis, c’est celle du général Narvaez, qui était encore dans une sorte d’exil. Une décision spéciale est venue autoriser le duc de Valence à rentrer en Espagne, et certes, il faut le dire, c’est la plus heureuse pensée que pût avoir le nouveau ministère de Madrid. Il y avait en effet quelque chose d’étrange et de triste à la fois de voir un des plus illustres serviteurs de la reine Isabelle, celui qui a le plus contribué à sauver la paix de l’Espagne en 1848, rais en suspicion et relégué hors du pays. Des considérations spéciales d’ailleurs rendaient naturelle cette résolution de la part de M. Sartorius, puisqu’il doit en partie sa fortune politique au général Narvaez, qui le premier lui confia un portefeuille dans son ministère.

Mais la mesure la plus importante et la plus décisive du ministère espagnol, c’est sans contredit la convocation des cortès pour le 19 novembre prochain. Cette réunion des corps législatifs doit coïncider avec les couches de la reine Isabelle, et en outre le ministère annonce avoir à demander leur concours aux chambres pour « des mesures importantes faisant partie de son système politique et administratif. » Quelles sont ces mesures ? C’est là ce qu’on ne sait point encore. Malgré tout, il se pourrait qu’on n’eût point abandonné complètement la pensée de modifier quelques points, sinon de la constitution même, du moins de l’organisation politique. La preuve en